vendredi 16 juillet 2010

PLAIDOIRIES D’EUROPE: « Mon père, ce si brillant avocat... »


Il y a un discours pour le microcosme occidental, celui qui s’intéresse aux agendas politiques d’un petit pays comme le Sénégal ; il y a un autre, tropicalisé, que l’on sert à l’opinion publique locale qui décidera pourtant, en dernier ressort, de l’identité du successeur du président Wade, étant entendu que derrière toutes les « offensives » politiques constatées ces derniers mois, c’est ce dossier qui cristallise les passions. Le dernier numéro de duettistes des Wade est un vernis qui peut scintiller en France mais qui craquelle sous la chaleur sénégalaise…

Wade-président comme Me Wade l’avocat, tous deux sont mobilisés pour Karim Wade. « Je n’ai pas l’intention de mettre mon fils à ma place avant de partir. Mais c’est un citoyen sénégalais, il a le droit de faire de la politique et il est libre de se présenter aux élections quand il voudra », vient de répéter le président de la république lors d’une interview accordée à la chaîne de télévision Europe 1. Pas fortuit comme déclaration, vu le contexte et le lieu ! Ces propos viennent consolider la « défense » du ministre d’Etat qui, quelques jours auparavant, s’était signalé dans une sortie « médiatique » enrobée de polémiques dans une « chaîne de télévision américaine », en fait l’équipe audio-visuelle d’un groupe de recherches yankee. Il y disait en substance que ni lui, encore moins son père n’étaient engagés, comme on leur en prête l’intention, dans un projet de dévolution monarchique du pouvoir au Sénégal.
Quel est le contexte qui préside cette double-précision ? Elle a lieu à Paris, à la veille des festivités marquant le 14 juillet, la fête nationale française. Placé sous le signe des armées des pays ouest-africains, anciennes colonies françaises, le 211ème anniversaire de la prise de la Bastille a vu des organisations non-gouvernementales s’en prendre à « certaines armées » africaines nids de « criminels » alors que le débat sur la « Françafrique », les réseaux de la diplomatie hexagonale dans ses anciennes possessions, reprend de plus belle.
Selon Jean C. Rufin, d’ailleurs, les affaires africaines les plus sensibles sont tranchées par Claude Guéant qu’il qualifie de « préfet qui n’a pas une connaissance particulière de l’Afrique ». M. Rufin va plus loin, puisqu’il estime que M Guéant est une sorte d’électron libre qui tire des ficelles à sa guise, sans rendre compte, ni à l’Assemblée nationale, ni au gouvernement. Il se demandait même d’ailleurs si, le Président Sarkozy est au courant de tout ce que fait Guéant !
L’histoire se poursuit et Le président Wade endosse à nouveau sa robe d’avocat, enfourche son cheval, alors que les dernières déclarations de l’académicien Jean-Christophe Ruffin, ancien ambassadeur de France, n’ont pas été pour rassurer les cercles influents qui suivent de près l’évolution politique du Sénégal, surtout quand il a évoqué la perception que le ministre d’Etat se faisait de sa position au sein de l’appareil d’Etat.
Me Wade précise dans son entretien avec Europe 1 que l’ambassadeur Ruffin ne l’a jamais critiqué. « J’ai d’excellentes relations avec lui, sinon il y a longtemps qu’il serait reparti », a-t-il tenu à préciser. Rufin avait également tenu les mêmes propos, sur la RFM, non sans les préciser : « Mes relations avec Karim Wade n’étaient pas aussi bonnes que mes relations avec son père, qui était marquées par le respect et la confiance… ». Wade ne fait que les corroborer les propos de J.C. Rufin. Avec le fils Wade par contre, la nature des relations est différente : « Karim Wade est hostile à la critique et même au dialogue », avait-il ajouté sur la même radio. Et les reproches faits au ministre des infrastructures et au gouvernement Wade, sont aussi lié à la cohérence de la gouvernance et Karim Wade est au cœur de cela : « C’est vrai qu’on ne peut avancer dans la voie du développement qu’en marchant sur ses deux pieds. Ça veut dire qu’on ne peut pas faire que des infrastructures. C’est Clair. Il faut aussi qu’il ait un volet social, un volet rural, il n’y pas que Dakar, il y a tout le pays. Je pense que les autorités en sont conscientes ». C’était au cours d’une interview dans le N°2 du mensuel « Emergence Plus »
Le discours des Wade, c’est donc juste pour minorer la portée des propos de l’ancien diplomate. Dans une démarche bien concertée, le père et le fils envoient le message que la France d’abord veut bien entendre, alors que la question de la succession se fait de plus en plus pressante, à vingt mois de la prochaine présidentielle.
Pour entrer dans les bonnes grâces des pouvoirs politiques français, croyant sans doute que ce sera opératoire à l’heure des choix, Karim Wade s’est attaché les faveurs du secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, contre les membres les plus influents de la cellule africaine du palais présidentiel français, conscients que le label démocratique sénégalais court un risque majeur avec l’intrusion de la question familiale à un tel niveau ; du jamais vu… J. C. Rufin n’évoquait-il pas récemment sans les nommer, les nouveaux réseaux, en l’occurrence, la « Françafrique » qui emprunte d’autres sentiers que celui des réseaux à la Foccart. C’est-à-dire que les nouveaux maîtres de l’Elysée travaillent pour leurs clients. L’allusion est claire, il parlait de certaines familles des palais africains !
Même Etienne Leenhardt, grand reporters sur France 2, la chaîne publique française, malgré sa bourde sur l’inexistence de dictature en Afrique, a, à la veille du 14 juillet, parlé de « tentations », évoquant le projet de dévolution monarchique qu’on prête au Président Wade.
Qu’il le reconnaisse ou non, le ministre d’Etat Karim Wade est devenu la principale préoccupation du président de la République. Devant les inondations ; devant le rationnement de l’électricité ; devant les questions majeures qui préoccupent les Sénégalais...
Le lundi 12 juillet, le président Wade renonçait à présenter devant l’Assemblée nationale un projet de loi instituant le poste de vice-Premier ministre. Derrière cette modification de la Constitution, après l’institution d’une vice-présidence, un poste jusqu’ici non pourvu, beaucoup avaient vu une énième manœuvre pour « encadrer » la succession du président Wade en faveur de son fils. Le dernier renfort arrivé dans les rangs de l’opposition, Cheikh Tidiane Gadio, a justifié le lancement du Mouvement patriotique et citoyen (MPC) par la nécessité de s’opposer à « une dévolution monarchique du pouvoir » ; un projet qu’il dit avoir constaté après neuf passés à la tête du ministère des Affaires étrangères, surtout les jours qui ont suivi la réélection, en 2007, du président Wade pour un mandat de cinq ans.
Plombé par une défaite électorale lors des dernières élections municipales en 2009 à Dakar où il trustait l’hôtel de ville, Karim Wade a par la suite été nommé ministre d’Etat, en charge des Infrastructures, de l’Aménagement du territoire, de la Coopération internationale et des Transports aériens après avoir dirigé l’agence chargée d’organiser le dernier sommet de l’Organisation de la conférence islamique.
Karim Wade n’a pas répondu jusqu’ici aux graves accusations de gaspillage des deniers publics proférées à son encontre par le journaliste Abdou Latif Coulibaly dans son livre « Contes et mécomptes de l’Anoci ». Par contre, il a déposé une plainte contre « Business Insider » et le journaliste Lawrence Delavingne qui l’accusent lui et Thierno Ousmane Sy, le conseiller-Tics du chef de l’Etat, d’avoir touché des pots-de-vin dans des dossiers relatifs à l’octroi de licences de téléphonie.
On lie l’entrée dans l’opposition de l’ancien PM, Macky Sall, à la volonté de l’Assemblée nationale qu’il présidait d’auditionner Karim Wade alors président de l’Anoci, sur la gestion de l’argent public mis sous sa responsabilité alors que la polémique enflait au Sénégal après le lancement de travaux publics pour rénover la capitale et l’engagement de milliards de francs Cfa à cet effet. L’actuel président de l’Apr, maire de Fatick, avait été contraint par la suite de quitter le perchoir de l’Assemblée nationale.
De manière insistante, le président Wade vante les compétences de son fils et le met en selle auprès de tous les cercles influents, comme ce fut le cas lors de son dernier séjour à Touba après l’intronisation du nouveau khalife général des mourides, Serigne Sidy Mokhtar Mbacké. Ce sont des signaux forts, comme des feux de brouillard, sur la route de 2012, alors que la météo n’a jamais été aussi mauvaise et…électrique.


Source : (http://www.nettali.net/Mon-pere-ce-si-brillant-avocat.html)

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