lundi 18 octobre 2010

Faille dans les procédures d’appel d’offres: Ces recours intempestifs qui vicient les marchés publics


Des recours, le Comité de règlement des différends (Crd) de l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) en reçoit presque quotidiennement. Aussi bien de la part des candidats à la commande publique que des autorités contractantes, qui ne sont généralement pas d’accord sur les avis de la Direction centrale des marchés publics (Dcmp). Mais si on ne peut pas soupçonner les autorités contractantes d’user de ces recours pour bloquer le système, chez les candidats, l’exercice de ce droit fait même l’objet d’abus qui finissent par être un frein à la bonne marche du système.


L’une des avancées majeures de l’actuel Code des marchés publics reste la possibilité donnée à un candidat ou à une autorité contractante (qui lance un marché) d’intenter un recours, à toutes les étapes de la procédure, auprès de l’organe chargé du contrôle a posteriori pour dénoncer des violations du code. En effet, le Comité de règlement des différends (Crd) de l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp), en vertu des articles 86 à 89 du Code des marchés, est appelé à prononcer des décisions qui peuvent amener à la relance de procédure ou à des corrections. Et les acteurs de la commande publique ont bien usé de cette prérogative. La preuve, entre 2008 et 2009, il y a eu 48% d’augmentation des recours qui sont passés de 48 à 71.
Mais l’exercice de ce droit n’est-il pas un frein à la bonne marche des activités des autorités contractantes, et du coup de l’économie ? Nombre parmi les autorités contractantes estiment qu’il y a des recours intempestifs introduits uniquement dans le dessein de «bloquer la machine». En effet, dès l’instant qu’un recours est introduit à l’Armp, la procédure est bloquée, le temps des investigations pour voir si le plaignant a raison pour annuler le marché et reprendre la procédure ou s’il a tort et, dans ce cas, ordonner la poursuite de la procédure. Mais, dans tous les cas, ce sont des jours et ou des semaines de perdus. Donc des lenteurs en plus dans la satisfaction des populations en matière de santé, d’éducation, de cadre de vie, pour ne citer que certains secteurs clés.
Dans le domaine de la Santé, l’équipement des différentes structures sanitaires du Sénégal en oxygène médical a eu deux années retard à cause des recours introduits par les candidats à la commande publique. La Senelec à qui l’Armp a refusé la réduction des délais de la procédure, a été contrainte de payer 12 dollars supplémentaires sur chaque tonne de carburant. Dans l’éducation, certaines écoles ou du matériel scolaire ont subi la loi des recours. Aujourd’hui, dans le domaine des transports maritimes, les bateaux taxis tant chantés par Wade ne sont toujours pas livrés à cause également d’un recours qui a obligé le Cosec à relancer toute la procédure.
Babacar Diop, Directeur général de la Sénégalaise de bâtiment et de construction (Sebatco), n’est pas loin de penser que certains recours soient effectivement introduits auprès du Crd pour «bloquer le système. Il faut que les gens travaillent pour faire tourner l’économie. Mais il y a de ces recours, nous ne sommes pas loin de penser que c’est fait à dessein parce que le candidat n’est pas attributaire du marché».
Par contre, Youssouf Sakho, Directeur général de l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) estime que, de façon générale, les recours ne sont pas excessifs. «On s’est rendu compte que, globalement, il n’y a pas d’excès dans les recours. Les gens font des recours réfléchis. Au niveau des recours, d’une manière générale, on ne sent pas des recours excessifs. On remarque même que les autorités contractantes ont recours à des conseils juridiques pour formuler leurs recours. De plus en plus, les recours sont très techniques et citent des références aux articles du Code des marchés. Bien que nous ne soyons pas liés par les qualifications du requérant, on se rend compte que celles-ci sont de plus en plus exactes par rapport à la violation qui est incriminée», dit M. Sakho, qui ajoute : «Les recours ne constituent pas pour l’instant un frein au développement de l’activité économique».

Le Crd saisi 119 fois entre 2008 et 2009

Entre 2008 et 2009, le Comité de règlement des différends (Crd) a été saisi à 119 reprises aussi bien par les candidats aux marchés publics que par les autorités contractantes. Pour la première année d’exercice, le Crd a tenu 29 sessions au cours desquelles il a rendu 75 décisions et enregistré un total de 48 recours en contentieux émanant des candidats aux marchés publics, 25 demandes d’avis dont 19 émanant d’autorités contractantes et 6 soumises par des candidats aux marchés publics. Et selon le rapport d’activités 2008, «sur les 48 recours enregistrés, 11 ont été déclarés irrecevables au regard des dispositions du Code des marchés publics et du décret N°546-2007 portant organisation et fonctionnement de l’Armp». Une irrecevabilité principalement pour cause de forclusion. «50% des candidats ayant introduit des recours recevables ont eu gain de cause, suite à l’annulation des procédures de passation de marchés publics dans lesquelles ces candidats s’étaient estimés lésés. En effet, 19 recours ont obtenu gain de cause contre 19 autres dont les auteurs ont été déboutés», poursuit le rapport.
Pour 2009, 111 décisions ont été rendues au cours de 23 sessions du Crd durant lesquelles 71 recours ont été traités. Ainsi, entre 2008 et 2009, le Crd a vu une augmentation de 48% du nombre de recours. Ce qui traduit, selon le rapport d’activité 2009 de l’Armp, «une grande confiance des acteurs envers l’organe de régulation». Sur les 71 recours introduits auprès du Crd, 56 soit 79% émanent des candidats aux marchés publics ; 14 soit 20% des saisines ont été déclarés irrecevables contre un taux de 23% relevé en 2008. Sur les 57 recours recevables, 24 ont obtenu gain de cause contre 26 dont les auteurs ont été déboutés. L’essentiel des recours visait à contester les dispositions du Dossier d’appel d’offres (Dao), les garanties de soumission et les décisions d’attribution provisoire. En outre, des recours ayant également porté sur la contestation de certains avis souvent fondés de la Direction centrale des marchés publics (Dcmp) se heurtent au refus justifié de cette dernière de cautionner les étapes subséquentes de la procédure. Par type de marché, 18 recours en contentieux ont porté sur les marchés de travaux, 34 sur les marchés de fournitures, 7 sur les marchés de service et 12 sur les marchés de prestations intellectuelles.


Le matériel médical et les véhicules, deux secteurs à recours intempestifs

Même s’il continue à défendre qu’il y a un usage raisonnable des recours, le Directeur général de l’Armp n’en décèle pas moins «une recrudescence des recours dans deux secteurs. Il y a une récurrence inquiétante des recours dans le secteur de la santé et des véhicules», selon Youssouf Sakho qui ajoute : «Le premier, c’est le secteur du matériel médical avec une guerre de recours entre les deux acteurs que sont Certeq et Carrefour médical. C’est l’expression de la concurrence. Il y a vraiment des recours systématiques sur l’ensemble des marchés. Ils font des recours sur le dossier d’appel d’offres (Dao), un recours sur la proposition d’attribution. C’est là où on remarque des recours que je ne qualifierais pas d’excès, mais d’assez importants du point de vue du nombre».
L’autre secteur à recours intempestifs, «c’est les marchés des véhicules. À ce niveau, il y a beaucoup de recours, mais ils sont pour la plupart justifiés. Il y a toujours des présomptions de critères orientés dans les marchés de véhicules». L’explication de ces recours «justifiés» vient du fait que, selon M. Sakho, «les autorités contractantes avaient du mal à élaborer les critères de qualification et les critères d’évaluation. Entre la cylindrée en cm3 et la puissance en chevaux, il y a une corrélation, c’est une formule. Mais on voit que les exigences en cylindrée ne sont pas compatibles avec les exigences en chevaux. Pourtant, c’est une formule qui relie les deux. Normalement, il suffit de fixer simplement un intervalle. Mais il y a des autorités contractantes qui fixent un intervalle pour les cylindrées par exemple entre 1400 et 2000 cm3, et maintenant, elles fixent la puissance en chevaux de telle sorte qu’il n’y a qu’un seul fournisseur qui soit dedans. Or, les deux intervalles sont équivalents, il y a une proportionnalité entre les valeurs des cylindrées et la puissance de chevaux».


Quand des autorités contractantes allongent les délais


S’il est vrai qu’il y a des recours intentés dans le seul dessein de bloquer le système existant, il reste que certaines autorités contractantes, par leur refus de communiquer les documents à l’Armp, allongent les lenteurs décriées. La cause au fait que de tous les acteurs du processus, seules les autorités contractantes ne sont pas soumises au respect d’un quelconque délai. «Il n’y a pas de délai prescrit pour une autorité contractante de répondre à une demande d’information. Il n’y a pas de sanctions prévues contre une autorité contractante qui refuse de communiquer les dossiers d’appel d’offres demandés par l’Armp. Il y a des autorités qui mettent 10 jours pour transmettre les dossiers d’appel d’offres, alors que cela devrait être instantané. Quelquefois, on est obligé d’aller les prendre. Quelquefois, il y a des autorités contractantes qui refusent carrément de communiquer les dossiers d’appel d’offres», avoue Youssouf Sakho. Et «dans ce cas, ajoute le Dg de l’Armp, le seul moyen de sanction que nous avons à notre possession, c’est de faire durer aussi longtemps la décision de suspension provisoire». Faut-il, dans ce cas, faire comme au Niger où le Code des marchés prévoit des sanctions pour une autorité contractante qui refuse de donner des éléments d’un dossier d’appels d’offres qui fait l’objet d’un recours ? Youssouf Sakho ne veut pas en arriver là. «Pour le moment, je pense qu’il ne faut pas aller vers la sanction, on peut convaincre», dit-il.


Faut-il faire payer les recours pour éviter des saisines farfelues ?
Le décret 2007-546 portant organisation et fonctionnement de l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp), dans son article 37 portant sur les ressources financières de cette structure de contrôle a posteriori, prévoit le payement d’une somme pour les candidats aux marchés publics qui intentent un recours auprès du Comité de règlement des différends (Crd). Ce qui devait se faire «selon des modalités définies par le Conseil de régulation». Mais aucune résolution du Conseil de régulation n’est venue fixer le montant à payer pour saisir le Crd.
Babacar Diop, membre de la Chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture de Dakar (Cciad), opte pour «le paiement» pour les recours. «Si on fait payer les recours, il y aura de moins en moins de recours farfelus», dit-il.
Pour Youssouf Sakho, «le Sénégal a opté pour un système ouvert, l’accès au recours est totalement ouvert à tout le monde. Et le fait que les recours soient ouverts et gratuits, c’est ce que les partenaires apprécient dans notre système. Cela a été bien noté dans l’évaluation de notre Code par rapport aux critères de l’Ocde» qui a jugé fiable à plus de 90% le Code des marchés. M. Sakho de faire savoir : «Mais si on se rend compte qu’il y a des excès, c’est un outil qui fait l’objet d’exagération, là on pourrait revenir pour faire payer les gens pour introduire les recours». Seulement, tempère-t-il, «si on doit faire payer les recours, il faut dans tous les cas que le montant soit symbolique. Donc, ce sont des frais de dossier, comme dans les autres pays. Or, pour une entreprise, le montant d’un frais de dossier n’est pas décourageant, ça ne peut pas empêcher quelqu’un d’introduire un recours. D’un autre côté, si le montant à payer est trop élevé jusqu’à décourager les recours, là, on va à l’encontre des standards Ocde».

Ce que dit le Code des marchés


Ce sont les articles 86 à 89 du Code des marchés qui traitent du recours, de ses conditions de saisine et des délais impartis au régulateur pour statuer sur ce recours. Selon l’article 86 du Code des marchés, «tout candidat à une procédure d’attribution d’un marché est habilité à saisir la personne responsable dudit marché d’un recours gracieux par une notification écrite indiquant les références de la procédure de passation du marché et exposant les motifs de sa réclamation par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou déposée contre récépissé». Et d’après cet article, «ce recours peut porter sur la décision d’attribuer ou de ne pas attribuer le marché, les conditions de publication des avis, les règles relatives à la participation des candidats et aux capacités et garanties exigées, le mode de passation et la procédure de sélection retenue, la conformité des documents d’appel d’offres à la réglementation, les spécifications techniques retenues, les critères d’évaluation. Il doit invoquer une violation caractérisée de la réglementation des marchés publics». Ce qui fait dire à Youssouf Sakho, Directeur général de l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp), que «toutes les étapes de la procédure de passation des marchés sont susceptibles de faire l’objet d’un recours».
Seulement, pour que les recours ne soient pas les causes d’un blocage systématique de la procédure, des délais sont imposés par le Code. Si c’est un recours gracieux, c'est-à-dire un recours introduit par le candidat auprès de l’autorité contractante, «il doit être exercé dans un délai de cinq (5) jours ouvrables à compter de la publication de l’avis d’attribution du marché, de l’avis d’appel d’offres ou de la communication du dossier d’appel d’offres. (Et) la personne responsable du marché est tenue de répondre à cette réclamation dans un délai de cinq (5) jours ouvrables au-delà duquel le défaut de réponse sera constitutif d’un rejet implicite du recours gracieux» (article 86).
Mais, «en l’absence de suite favorable à son recours gracieux, le requérant dispose de trois (3) jours ouvrables à compter de la réception de la réponse de l'autorité contractante ou de l'expiration du délai de cinq (5) jours mentionné à l'article précédent pour présenter un recours au Comité de règlement des différends» (article 87). Le Crd, de son côté, selon l’article 88, dès réception du recours, «examine si celui-ci est recevable et, dans l'affirmative, ordonne à l'autorité contractante de suspendre la procédure de passation du marché». Dans l’article suivant, la décision du Crd «doit être rendue dans les sept (7) jours ouvrables à compter de la réception du recours, faute de quoi, l’attribution du marché ne peut plus être suspendue. Elle est finalement et immédiatement exécutoire par l'autorité contractante». Selon le Code, elle n’a pour but que de «corriger la violation alléguée ou d’empêcher que d’autres dommages soient causés aux intérêts concernés, ou de suspendre ou faire suspendre la décision litigieuse ou la procédure de passation».
Il faut également rappeler que les décisions de l’Armp peuvent être attaquées devant la Chambre administrative de la Cour suprême (ex-Conseil d’Etat). «Le candidat qui s'estimerait débouté à tort conserve ses droits à réclamer réparation du préjudice subi devant les juridictions compétentes. Ce recours n’a cependant pas d’effet suspensif», dit l’article 89 du Code.
Par ailleurs, contrairement à ce que les tenants du pouvoir veulent faire croire, le Code des marchés a même prévu les cas des urgences. Un recours «n'est pas suspensif si l’autorité contractante certifie par notification écrite adressée au Crd et à la Dcmp que l’attribution du marché doit être poursuivie immédiatement pour des raisons tenant à la protection des intérêts essentiels de l'Etat résultant de situations d’urgence impérieuse liées à une catastrophe naturelle ou technologique», dit l’article 88 du Code des marchés.


Comment est traitée une requête à l’Armp

Au niveau de l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp), l’on fait tout pour respecter les délais impartis par le Code des marchés en diligentant le plus rapidement possible les recours arrivés au Comité de règlement des différends (Crd). «Il faut savoir que l’instruction du recours est assurée par la Direction générale, mais la décision est prise par le Crd», explique Youssouf Sakho, le Directeur général de l’Armp qui signale que «les recours sont adressés au Crd qui les enregistre. Une fois que le recours est enregistré, le Crd étudie la recevabilité du recours immédiatement. Si le recours est recevable, c'est-à-dire s’il est fait dans les délais, si la personne qui l’introduit a intérêt à agir, le Crd prend automatiquement une décision de suspension provisoire de la procédure par consultation».
Et «immédiatement après, l’autorité contractante qui a été dénoncée est informée par lettre et, en même temps, il lui est demandé de fournir les éléments d’information qui nous permettent de statuer au fond». Selon le Dg de l’Armp, «le caractère contradictoire de la procédure est respecté parce qu’on communique avec l’autorité contractante et avec le candidat».
C’est une fois les documents communiqués à l’Armp que «l’instruction démarre. Et sur la base des éléments fournis, cela aboutit à un projet de décision qui est soumis au Crd qui se réunit sur convocation de son président qui statue sur le recours. Quand la décision est adoptée, c’est le Directeur général qui la notifie à l’autorité contractante et au candidat, et assure la publication sur le site» des marchés publics.


Qui pour statuer sur les litiges des contrôleurs du système ?

La Direction centrale des marchés publics (Dcmp) et l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) sont respectivement chargées du contrôle a priori et du contrôle a posteriori du système des marchés publics. Mais en tant qu’autorités contractantes, elles sont soumises au Code des marchés au même titre qu’une société nationale ou une agence. Et dès l’instant que leurs marchés peuvent faire l’objet de litige, il y a à se demander qui doit contrôler les contrôleurs.
Un cas de désaccord entre la Dcmp et l’Armp est une fois intervenu dans un marché d’achat de véhicules. Dans le dossier d’appel d’offres, l’Armp avait, dans les caractéristiques techniques, exigé une autonomie de la capacité du réservoir d’au moins 60 litres. Mais la Dcmp est allée contre cette décision et a rabaissé cette capacité à 40 litres. Ce qui pouvait donner lieu à un recours de l’Armp auprès du… Crd de l’Armp. «On a voulu faire un recours, mais ce n’était pas nécessaire parce que dans un système où l’Armp va instruire un recours qu’elle a elle-même initié, je pense que le résultat n’allait pas être crédible aux yeux des gens. C’est pourquoi on s’est abstenu d’introduire un recours auprès du Crd», explique Youssouf Sakho.
D’ailleurs, selon lui, «il faut qu’on règle ce problème, qu’aucun pays n’a pu régler pour le moment. Mais, nous, on y réfléchit. Et ça, ça garantit l’efficacité du système. C’est une initiative que nous avons prise nous-mêmes pour garantir l’impartialité et le caractère objectif des décisions. Il faut qu’on trouve une solution quand un recours est intenté contre l’Armp, que l’Armp ne traite pas des dossiers qui sont introduits contre elle en tant qu’autorité contractante. Il faut aussi qu’il y ait un moyen pour la Dcmp de faire le contrôle a priori des marchés passés par la Dcmp comme personne responsable. Si la Dcmp veut passer un marché, elle fait son propre contrôle a priori, elle fait son avis de non-objection sur ses propres marchés».

Dossier publié dans le journal LE POPULAIRE DU LUNDI 18 OCTOBRE 2010

vendredi 17 septembre 2010

GESTION DES APPELS INTERNATIONAUX ENTRANTS: L’Armp annule le contrat liant l’Artp à Grobal Voice

Le contrat entre l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (Artp) et la société Global Voice Group pour le contrôle des communications téléphoniques internationales entrantes au Sénégal est frappé de nullité. C’est l’Armp qui en a décidé ainsi hier dans une décision dans laquelle la faute de la Direction centrale des marchés publics (Dcmp) n’a pas été occultée.

Une semaine après la prise de la décision de suspension, l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) vient d’ordonner «l’annulation de la procédure relative à la conclusion du contrat dit de partenariat entre l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (Artp) et la société Global Voice Group S.a ayant pour objet l’assistance pour la mise en place d’un système de contrôle et de tarification des communications téléphoniques internationales entrantes au Sénégal». C’est ce qui ressort de la décision N°127/10/Armp/Crd du 15 septembre 2010 prise par le Comité de règlement des différends qui commission litiges sur la dénonciation de la Société nationale des Télécommunications (Sonatel). La raison de l’annulation du contrat vient du fait que «la qualification du projet de contrat entre l’Artp et la société Global Voice Group comme étant un contrat de Partenariat Public Privé est inexacte» parce qu’il «s’agit plutôt d’une délégation de service public». Et que dans ce cas, le régulateur «dit que la satisfaction des besoins de l’Artp pour le type de prestations envisagées doit faire l’objet d’un appel à la concurrence, conformément au Code des marchés publics». En ce qui concerne la Sonatel qui avait dénoncé le contrat auprès de l’Armp, celle-ci fait savoir que l’opérateur historique «n’est pas fondée à contester l’opportunité pour l’Artp de conclure un contrat pour la satisfaction de ses besoins relatifs aux prestations envisagées».
Les raisons qui ont poussé l’Armp à annuler le contrat de Global Voice trouvent leur explication dans le fait que cette convention n’entre pas dans les conditions prévues par l’article 76 du Code des marchés relatif aux «marchés par entente directe après avis de la Dcmp ». Mais «qu’il s’agit d’une convention de Partenariat Public -Privé (PPP) eu égard aux modalités de rémunération du futur cocontractant ». Et après explicité les articles 4.8 du Code des marchés publics, 10 nouveau de la loi n°65-51 du 19 juillet 1965 modifiée, portant Code des obligations de l’administration (Coa), 3 et 4 du décret n°2010-632 du 28 juin 2010 instituant un système de contrôle et de tarification des communications téléphoniques internationales entrant en République du Sénégal, l’Armp a conclu que «c’est à tort que la Dcmp a qualifié le projet de contrat de Partenariat Public- Privé ».

L’Artp agrée Gvg comme prestataire 10 jours après avoir saisi la Dcmp

Sur l’autorisation de conclure ce contrat par gré à gré donnée par la Dcmp à l’Artp, l’Armp la qualifie de «mal fondée et irrégulière » parce que l’organe de contrôle a priori des marchés publics n’est pas allé au-delà des déclarations de l’Artp. «La Dcmp n’a pas cru devoir vérifier cette information, alors que d’une part l’agrément de Global Voice Afrique S.A.R.L en qualité d’installateur d’équipements radioélectriques ne le distingue en rien des vingt- et une (21) autres sociétés d’ailleurs agréées pour la plupart bien avant Global Voice Afrique S.A.R.L dont l’agrément a été signé le 22 janvier 2010, donc après la saisine de la DCMP, et que d’autre part une vérification aurait pu permettre de constater l’existence d’autres sociétés évoluant dans le secteur ». Toutes choses qui font que l’Armp rappelle que «l’organisation d’une procédure d’appel à la concurrence sur la base d’un dossier d’appel d’offres (Dao) dans lequel sont arrêtés des critères de qualification des soumissionnaires et de conformité des offres, devrait normalement donner l’opportunité aux candidats éventuels de soumettre des propositions et, après évaluation, permettre d’établir que Gvg est la seule société capable de fournir les prestations sollicitées ».


Quand la Dcmp aiguillonne l’Arpt pour valider un gré à gré
Le contrat liant l’Artp à Global Voice connu du public en juin dernier est un processus qui a commencé par «par lettre n° 0082 Artp/Dg/Sg/Dsa/Dlog en date du 12 janvier 2010 », quand le régulateur du secteur des télécommunication «a saisi la Direction centrale des marchés publics (Dcmp) pour ‘’solliciter l’autorisation de souscrire un contrat de prestation de services par entente directe avec la société Global Voice Group portant sur une assistance pour la mise en place d’un système de contrôle et de tarification des appels internationaux entrants au Sénégal’’». L’Artp fondait sa requête , «d’une part sur les dispositions de l’article 76 (1a et 1b) du Code des marchés publics relatives à la sécurité nationale et d’autre part sur l’exclusivité de la solution détenue par Global Voice Group (GVG) qui l’a déjà implantée avec succès dans de nombreux pays». Et à l’appui de sa demande, Ndongo Diaw «a joint les termes de référence de la mission d’assistance, les justificatifs légaux et économiques de la requête, un projet de contrat et la liste des pays ayant acquis cette ‘’solution’’».
L’opération de charme de l’Artp n’a pas dans un premier temps fonctionné. En effet, dans sa lettre-réponse n°00010 Mef/Dcmp/Dsi du 15 janvier 2010, «la Dcmp rejette les moyens soulevés par l’Artp, récuse la qualification de marché public adoptée par l’Artp et déclare qu’en l’espèce, il s’agit d’une convention de Partenariat Public Privé, au regard des modalités de rémunération qui sont fonction des redevances perçues sur les usagers, parce que directement indexées sur le tarif international à travers une grille de répartition entre les opérateurs, l’Etat et Global Voice».
Mais au lieu de s’arrêter à cette analyse, les services de Maguette Kane Diop ont montré les voies du gré à gré à l’Artp. «La Dcmp a demandé à l’Artp de revoir l’argumentaire fondant la demande d’autorisation pour ‘’l’asseoir’’ sur les dispositions de l’article 80 du Code des marchés publics, puisque l’alinéa 5 dudit article traite des cas sur la base desquels l’autorité contractante peut recourir à l’entente directe », lit-on dans la décision de l’Artp. La Dcmp a, en outre, «rappelé à l’Artp les termes de l’alinéa 2 de l’article précité qui indique qu’un rapport d’opportunité lui est soumis concomitamment à la requête».
Forte de ces «conseils» pour le moins précieux de la Dcmp, l’Artp est revenue à la charge avec la lettre n°266 Artp/Dg/Sg/Dsa/Dlog du 2 février 2010 pour une «demande d’avis pour passer un contrat de partenariat par entente directe». Et cette fois, elle a annexé «à sa requête la décision d’agrément d’installateur d’équipements radioélectriques n°070018/Ag/In du 22 janvier 2010, signée au profit de Global Voice Afrique S.A.R.L.»
A cette nouvelle charge de l’Artp, par lettre n° 000484 Mef/Dcmp du 05 février 2010, la Dcmp fait observer à Ndongo Diaw que son «argumentaire qui a abouti à la conclusion que GVG est la seule source en mesure de fournir le service demandé pose problème» parce que fondé «sur le seul fait que seule l’ARTP est habilitée à agréer les installateurs d’équipements radioélectriques pour leur compte et pour des tiers et que GVG est la seule société nationale ou étrangère agréée par l’ARTP à posséder les compétences requises». En conclusion, la Dcmp, «d’une part retient qu’il ne ressort pas du dossier qu’une telle affirmation soit le résultat d’une démonstration soutenue par des données et des critères objectifs et, d’autre part, réclame la liste des entreprises agréées et la preuve que seule GVG dispose des compétences requises».
Mais parce qu’ayant déjà choisi Global Voice avant même la publication du décret instituant le contrôle des appels internationaux entrants, l’Artp, dans sa lettre n°395 Artp/Dg/Sg/Dsa/Dlog du 18 février 2010, fait observer à la Dcmp d’abord que «sur les 22 installateurs agréés au Sénégal, seule la société Global Voice présente une offre relative au contrôle du trafic téléphonique international, alors que tous les autres installateurs interviennent dans les domaines d’installation et de maintenance de réseau et systèmes de télécommunications, radiodiffusion ou télévision ou en matière informatique». L’Artp soutient, ensuite, que Gvg , «d’une part utilise une technologie ‘’basée’’ sur la capture en temps réel des Cdr en utilisant les routeurs Stp C7, qui permet de superviser le trafic à partir des données de signalisation des opérateurs sans affecter l’intégrité et la qualité de leur réseau, et d’autre part est la seule société à avoir installé le système de contrôle du trafic international dans plusieurs pays, notamment africains, en général victimes de fraude internationale en matière de trafic ».
Toujours pas satisfaite des explications fournies par l’Artp qui a même indiqué «qu’une recherche sur l’Internet avec le critère ‘’Contrôle du trafic international entrant’’ donne comme résultat une seule référence, celle de Gvg», la Dcmp, dans sa lettre n°00866/Mef/Dcmp du 02 mars 2010 a exigé qu’en sus de l’agrément signé au profit de Gvg, lui soit produite une attestation corroborant les informations y contenues.
C’est ainsi qu’au vu de l’attestation signée le 04 mars 2010 par le Directeur général de l’Artp, la Dcmp, par lettre n° 001010/Mef/Dcmp/6 du 11 mars 2010, «sur la base des informations reçues et en application de l’article 80 du décret n° 2007-545 du 25 avril 2007 portant code des marchés publics, ‘’confirme’’ son avis de non objection» et autorise le recours au gré à gré pour un contrat qui devrait rapporter 5 milliards de francs Cfa à partager entre le Sénégal et ses 12 millions d’habitants et Global Voice est des trois actionnaires qui bronzent sous le soleil de Miami au Etats unis.


Ce qui se cache derrière la décision de l’Armp

Si l’Armp a définitivement annulé le contrat liant l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (Artp) à Global Voice pour le contrôle des appels internationaux entrant au Sénégal, c’est parce que le ministre de l’Economie et des Finances n’avait pas ratifié ledit contrat. Selon une source au sein des Finances, «le ministre des Finances n’a pas approuvé le contre de Global Voice. Dès lors, il n’y a aucune conséquence pour le Sénégal. Le contrat est nul et personne ne peut réclamer aucun sous à qui que ce soit ». D’ailleurs, poursuit notre interlocuteur, «le ministre des Finances a été, dès le départ très sceptique sur ce contrat ». En effet, selon l’article 29 en son point 3, les marchés des établissements publics, agences et autres organismes sont approuvés par «le ministre chargé des Finances lorsque le montant du marché est égal ou supérieur à 150 millions de francs Cfa ». Or dans le cas du contrat de Global Voice, il est question de 5 milliards de francs Cfa par mois.
L’autre fait à souligner, c’est qu’aucune autorité ne peut parle de contrat de Global Voice car les décisions de l’Armp, en vertu de l’article 89 du Code des marchés, ne peuvent être attaquées que devant la Chambre administrative de la Cours suprême pour excès de pouvoir. En d’autres termes, si l’Artp n’est pas satisfaite, elle peut saisir cette chambre qui a hérité des attributions de l’ex Conseil d’ Etat.
Autre aspect de cette question, cette annulation ne concerne pas le décret n° 2010-632 du 28 mai 2010 instituant un système de contrôle et de tarification des communications téléphoniques internationales entrant au Sénégal. En effet, même si la Sonatel a également saisi la Cour suprême pour annuler ce texte, il reste que les tarifs indiqués par ce décret restent en vigueur. Et dans ce cas, avec ou sans Global Voice, comme l’avait dit Ndongo Diaw, Directeur général de l’Artp lors de sa dernière rencontre avec la presse, le régulateur peut procéder par estimation pour recouvrer les ressources prévues par ce contrôle.

samedi 4 septembre 2010

Quelques questions à Monsieur le Ministre d’État, Ministre de l’Économie et des Finances du Sénégal

C’est en sa qualité de gardien de nos finances publiques que le citoyen, le contribuable que je suis, a choisi de poser publiquement un certain nombre de questions à Monsieur le Ministre d’État, Ministre de l’Économie et des Finances. Je crois en avoir le droit, si je me réfère à la Constitution du 22 janvier 2001.
Je pars de la longue interview qu’il a accordée au quotidien « L’AS » du mercredi 17 février 2010 (pp. 6-7), pour lui poser mes questions.

Répondant à une question faisant état de rumeurs de plus en persistantes et selon lesquelles il serait actionnaire de SATTAR, il répond formellement : « Je sais que je ne suis pas actionnaire dans la société SATTAR, Dieu également sait que je n’en suis pas actionnaire. Allah Soubahanou wa taala est plus important que tout pour le croyant que je suis. Je le jure au nom d’Allah et sur son Sacré livre le Coran (Ndrl : il prend un exemplaire entier du Coran et jure dessus) que je ne suis pas actionnaire dans cette société de mon ami de cinquante ans. » Un peu plus loin dans son interview, le Ministre d’État répond aussi catégoriquement à une autre question faisant état d’autres rumeurs selon lesquelles il détiendrait des dossiers explosifs qui expliqueraient la crainte qu’il inspire. Voici la réponse : « C’est une hérésie totale. Le Chef de l’État est le garant de l’application des lois et règlements de ce pays. Je n’ai pas connaissance d’une transgression de sa part des lois et règlement en vigueur de ce pays. »
Même si je n’ai aucun préjugé sur l’homme, je serai le dernier des Sénégalais à le croire ici. C’est pourquoi je lui pose mes premières questions : Peut-il jurer, de la même manière qu’il l’a fait pour SATTAR, que cette affirmation est la stricte vérité ? Peut-il jurer que le Chef de l’État que nous avons quand même appris à connaître, n’a transgressé, à sa connaissance, aucune loi, aucun règlement en vigueur, tout au long du processus de la rocambolesque rénovation de l’avion de commandement ? Interrogé sur cette même affaire par l’hebdomadaire Jeune Afrique / L’intelligent n° 2225 du 31 août au 6 septembre 2003, le Chef de l’État répond, quant au montant du coût de l’opération, qu’il s’élevait à 17 milliards de francs Cfa. Abdou Latif Coulibaly lui, le situait à 31 milliards. Le Ministre d’État peut-il nous dire et le jurer sur le Saint Coran, quel est le montant réel du coût de cette opération ? Il ne s’agit point de secret d’État ici, mais bien de transparence dans la gestion des affaires publiques.
On raconte que c’est cette fameuse SATTAR, entreprise jumelle de l’alternance, qui aurait construit le rutilant siège du Pds, dans les mêmes conditions de financement que le monument dit de la Renaissance africaine. Si c’est le cas, le Ministre d’État ne devrait pas l’ignorer, puisque ce sont ses services, les Domaines et le Cadastre notamment, qui attribuent les parcelles. Je ne lui pose pas de questions sur cette affaire, ce texte risquant d’être long. Revenons donc à notre hebdomadaire Jeune Afrique / L’Intelligent !
Le président Wade y répond à une autre question relative au montant exact des compensations financières versées à la famille du juge Seye assassiné en mai 1993. Combien celle-ci a-t-elle perçu, lui a demandé le journaliste ? 200 millions, 400 millions, 600 millions de francs Cfa ? Voici la fameuse réponse : « Tout est clair. La famille Seye avait demandé 600 millions, ce qui était excessif, puis 400 millions, ce qui l’était encore. En définitive, l’État a transigé pour 250 millions qui ont été versés à la famille par l’agent judiciaire de l’État, contre décharge évidemment. » Et notre président blanc comme neige de poursuivre son explication de texte : « Dans ce type d’affaires (…), la demande initiale ne correspond jamais au chiffre finalement retenu. Il y a toujours négociation, puis transaction. »
Avant de poursuivre mes questions au Ministre d’État, je m’arrête quand même un peu sur cette réponse gravement compromettante du président Wade. Tout le monde sait que dans ce lâche assassinat de Me Seye, l’État n’était point en cause : les assassins ont été arrêtés et condamnés. Pourtant, on sent ici que le président Wade est pris à la gorge par la famille qui dicte ses conditions : 600, puis 400 millions. L’État a finalement transigé pour 250 millions. L’État qui transige comme un fraudeur pris la main dans le sac par les douaniers ! « Dans ce type d’affaires (…), affirme Me Wade, la demande initiale ne correspond jamais au chiffre finalement retenu. Il y a toujours négociation, puis transaction » ! Pourquoi négociation et transaction ? Nous comprenons mieux pourquoi les ignobles assassins de Me Seye ont été rapidement graciés. Nous comprenons mieux la précipitation avec laquelle la Loi dite Ezzan a été votée par les godillots de l’Assemblée nationale. Fermons cette parenthèse et revenons à notre Ministre d’État qui n’est pas directement concerné par cette douloureuse et nébuleuse affaire Me Seye !
Abdou Latif Coulibaly affirme que la famille Me Seye a perçu 600 millions. Un des fils du défunt juge qui parlait au nom de la famille avance 200 millions. Pour Me Wade, l’État a transigé pour 250 millions. Le Ministre peut-il nous donner le montant exact de la transaction et nous le jurer sur le Saint Coran ? L’Agent judiciaire de l’État est-il entré en action dès le début des négociations ? A-t-il pris le train en marche ? Est-il intervenu à la fin, quand l’affaire a éclaté au grand jour, pour régulariser après coup ? Ces questions n’ont rien de tabou et relèvent de la transparence, de la bonne gouvernance. Tout citoyen bien fondé à les poser au Ministre d’État.
Il y a une autre affaire qui comporte de nombreuses zones d’ombre et où le président de la République affichait (encore) sa disponibilité à transiger. Il s’agit de cette fameuse et rocambolesque affaire dite de Sénégal Pêche, que Sud quotidien du 16 mai 2 002 (pp. 1-8) avait révélée au grand jour. De quoi s’était-il agi ?
Dans sa livraison de ce jour, le quotidien faisait état d’un litige (redressement fiscal avec amendes et pénalités) de 5 milliards de francs Cfa entre le fisc et Sénégal Pêche, 5 milliards qui auraient été purement et simplement effacés à partir de la Présidence de la République du fait, disait-on, du Ministre d’État, Directeur de cabinet du président de la République (Idrissa Seck), du Conseiller fiscal d’alors du Chef de l’État (Abdoul Hamid Fall), du Secrétaire général de la Présidence (Abdoulaye Baldé). Tout est parti de deux lettres de demande de grâce : l’une adressée par les conseils de Sénégal Pêche au Ministre d’État Idrissa Seck le 31 mai 2001, l’autre par le Directeur général de l’entreprise au Président de la République, le 16 juin 2001. Le traitement de ces deux lettres par la présidence de la République a fait couler à l’époque beaucoup d’encre et de salive et comporte beaucoup de détails croustillants. Je ne peux malheureusement pas les passer tous en revue ici. Je renvoie le lecteur à ma contribution « Quel sacrifice l’ex-conseiller fiscal Hamid Fall a-t-il dû faire pour le président de la République ? », publiée alors au moins dans deux quotidiens de la place.
Ce que je retiens en particulier de ce traitement, ce sont les annotations du président de la République sur le texte du Conseiller fiscal qui recommandait la cessation des poursuites. Il concluait ses annotations en ces termes : « Au surplus, j’accepterai une transaction ». Le voilà qui s’engage encore à transiger, alors que cette affaire relève de la compétence des services du Ministère de l’Économie et des Finances !
En tous les cas, l’affaire sentait carrément le roussi. Dans une interview à Nouvel Horizon (n° 498 du 25 au novembre au 01 décembre 2005), le Secrétaire général Abdoulaye Balbé confirme cette affaire et reconnaît qu’« elle a été une parenthèse douloureuse dans (sa) carrière (…) et (l’a) fait vieillir d’une dizaine d’années ». Il y révèle en particulier que « la somme (les 5 milliards) a finalement été retrouvée par le trésor public ».
C’est là qu’intervient mon doute. Et si les 5 milliards avaient pris la clé des champs, comme les fameux fonds taïwanais ! Je reviens donc au Ministre d’État Diop pour lui demander de nous jurer sur le Saint Coran que cet argent a été bien retrouvé par le trésor public.
Avec la gouvernance meurtrie des Wade, je doute de tout, surtout depuis les révélations fracassantes du Premier ministre Idrissa Seck devant la Commission d’instruction de la Haute Cour de Justice, en ce mémorable 23 décembre 2005. Á une question sur l’origine des milliards qu’il affirmait avoir gérés dans le cadre des fonds spéciaux, il répondit sans fard qu’ils provenaient « des fonds diplomatiques et autres aides budgétaires que Me Wade ramenait de ses nombreux voyages ».
Ce doute me fait penser aux six milliards que le président de la République s’était empressé de « donner » au gouvernement sénégalais (communiqué du Conseil des Ministres du 5 janvier 2006), dès que le détournement des fonds taïwanais était sur la place publique. Six milliards ne peuvent quand même pas entrer dans le pays et y être dépensés dans des actions publiques, sans que le Ministre d’État et ses services soient au courant ! Notre ministre peut-il donc nous jurer que ce fameux « don » du très « généreux » président Wade, a bien franchi les frontières nationales ?
Le même doute me fait revenir à l’année 2001. On était à quelques encablures des élections législatives anticipées du 29 avril. Á l’époque, six milliards avaient migré de la Sonacos – elle n’était pas encore bradée – vers une destination jusqu’ici inconnue du contribuable. Interrogé sur le sort de ces six milliards, l’ancien Ministre délégué chargé du Budget (Aguibou Soumaré), répondait subrepticement que la Sonacos les a bien retrouvés. Le ministre d’État peut-il nous jurer sur le Coran que son collègue a raison ?
Je pouvais continuer de poser de nombreuses autres questions sur d’importantes sommes d’argent entrées au pays mais qui n’ont probablement jamais trouvé leur place naturelle : le trésor public. Si j’ai choisi d’interpeller le Ministre d’État, Ministre de l’Économie et des Finances, c’est que lui et ses services gardent imperturbablement le silence, face aux multiples zones d’ombres qui caractérisent l’immonde gouvernance des Wade. Je ne leur demande pas de mettre sur la place publique des secrets d’État. Ce que j’attends d’eux en tant que contribuable, c’est qu’ils nous éclairent sur la manière dont nos maigres deniers publics sont gérés. Ce n’est quand même pas trop leur demander !


MODY NIANG, e-mail : modyniang@arc.sn

mercredi 25 août 2010

Wade peut, mais ne doit pas être candidat


Me Abdoulaye Wade, l’actuel président de la République du Sénégal est, juridiquement, admissible à briguer un nouveau mandat. La Constitution lui en offre la faculté. Nous ne nous contenterons pas de l’affirmer, nous le démontrerons ci-dessous. Toutefois, il n’est ni souhaitable ni décent qu’il se représente.
Ceux qui, comme son Premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye, font une lecture première des textes pour, finalement, s’agacer et déclarer que, tout compte fait, le problème est essentiellement politique, pour ne pas dire politicien, ont tort, car ce n’est pas conforme à la vérité. Les professeurs de droit qui prétendent que l’affaire est purement juridique, n’ont pas raison non plus parce que, en matière de mise en œuvre de la Constitution, l’éclairage de la science politique, celui de l’histoire parfois, celui qu’apporte l’attitude des hommes, du peuple, etc., font que la solution se trouve, très souvent, en dehors du droit stricto sensu. Certains d’entre eux ont d’autant moins raison et sont d’autant moins excusables qu’ils confessent avoir participé à la rédaction du projet de Constitution. Que n’avaient-ils pas réglé, de manière limpide, cette question de candidature au lieu de laisser s’instaurer et prospérer la confusion ?
Depuis Boileau au moins, chacun sait que ’ce qui se conçoit bien, s’énonce clairement…’. La nébulosité apparente qui enveloppe la rédaction des articles 27 et 104, objets du débat, se retrouve dans plusieurs autres dispositions de la Constitution. On se souvient encore du cafouillage autour de l’article 27 : ’La durée du mandat du président de la République est de cinq ans. Le mandat est renouvelable une fois. Cette disposition ne peut être révisée que par une loi référendaire ou constitutionnelle.’ A cette occasion, tous les hommes d’Etat, les acteurs politiques comme les juristes, avaient émis sur la même longueur d’onde. Malheureusement, la faiblesse rédactionnelle du texte, surtout du second alinéa, avait ouvert une brèche à travers laquelle se sont engouffrés des esprits tordus aussi bien à la présidence de la République qu’à l’Assemblée nationale pour finir par modifier irrégulièrement la durée du mandat, prétextant que le recours au référendum ne concernait que le nombre de mandats et que donc la première phrase pouvait, allégrement, faire objet de tripatouillage.
Par la simple onction d’une élection à l’Assemblée nationale, acquise grâce au seul support d’une formation politique d’envergure, il est des individus qui s’imaginent pénétrés, voire imbus, ipso facto, de la science juridique. Résultat, ils donnent dans le juridisme et vous débitent des monstruosités inattendues. Pour parer à ce genre de situations, il aurait fallu écrire : ‘La durée du mandat du président de la République est de cinq ans. Le mandat n’est renouvelable qu’une seule fois. Le présent article ne peut être révisé que par référendum.’
L’avantage de cette présentation réside en ce que la négation ‘ne… que’ impose et renforce la limitation du nombre de mandats, ainsi que le Constituant de l’époque en avait, probablement, l’intention. Au deuxième alinéa, en disant ‘le présent article...’ on ferme la porte aux apprentis sorciers, non seulement parce que l’expression commande les deux phrases du premier alinéa, globalement donc sans séparation, mais aussi parce qu’elle impose de façon irrémédiable le recours au référendum pour toute tentative de modification de la durée comme du nombre de mandats, ainsi que les uns et les autres le souhaitaient. Aucune place n’est laissée à une quelconque modification par voie parlementaire, source de manipulation.
Ceci pour indiquer comment les professeurs de droit, membres des commissions de rédaction ont failli techniquement. A l’avenir, d’ailleurs, compte tenu de la baisse du niveau général en français (langue officielle), il ne serait pas superflu de s’entourer de l’expertise des professeurs de lettres. Au point qu’au stade où l’on se situe, je préfère la posture du professeur El Hadji Mbodj, pourtant intellectuellement hostile à la candidature de Wade, mais qui déclare que son ’… raisonnement peut certes souffrir de la preuve contraire, mais que le débat s’installe dans la sérénité afin que jaillisse la lumière, au grand profit de notre peuple’. (Populaire n°3222 du 19/08/2010 P. 5)
Noble attitude du juriste qui invite ceux qui en ont le temps et l’aptitude, à un exercice de doctrine ou plus simplement d’exégèse. A notre avis, compte tenu de l’urgence relative, c’est à travers l’exégèse (une sorte de commentaire et d’explication de texte) que nous trouverons la bonne réponse à la question de la recevabilité de l’éventuelle candidature du président Wade.
Pourtant, dans des situations de ce type, ce sont, en priorité, les travaux préparatoires, puis la jurisprudence qui auraient dû nous éclairer. Pour faire bref, les travaux préparatoires, c’est comme qui dirait le brouillon, les archives. Apparemment, bien qu’essentiels, ils n’existent pas ou alors ne paraissent pas disponibles. Si nos constitutionnalistes les détiennent, qu’ils les rendent publics. Par exemple, les échanges avec Me Wade ont-ils eu lieu verbalement ou par écrit ? A l’avenir, il conviendrait de recueillir et de conserver ces documents de travaux préparatoires.
Quant à la jurisprudence, il vaut mieux ne pas en rêver avec un Conseil constitutionnel éternellement ‘incompétent’ (cf. notre article in Walf du 30/6/09 P. 10 et Quotidien n°1940 du 1/7/09 P. 13). Aucune source n’est à espérer de ce côté-là, même pas suite à une demande d’avis. Au demeurant, il urge de dépasser la formule Conseil constitutionnel pour adopter une autre plus efficace du style Conseil des Sages dont nous pourrions tracer les contours plus tard.
Reste donc à tenter de voir ce qui se cache derrière l’article 104. Il dispose que : ’Le président de la République en fonction poursuit son mandat jusqu’à son terme. Toutes les autres dispositions de la présente Constitution lui sont applicables.’ Cela signifie que le mandat de sept ans acquis en l’an 2000 par le président Wade sous l’empire de l’ancienne Constitution prend fin en 2007 et que l’article 27 de l’actuelle Constitution n’interfère pas sur cette durée. Cette phrase met aussi de côté le mandat en cours du point de vue du comptage.
Du deuxième alinéa, se confirme l’information selon laquelle dans le mandat en cours, seules l’existence (comptage) et la durée (une fois de plus) ne relèvent pas de la nouvelle Constitution. Pour tout le reste (sens à donner à ‘toutes les autres dispositions’) le mandat initié en 2000 est régi par l’actuelle Constitution de 2001 : A titre d’exemple, signalons qu’après la mise en place d’une nouvelle Assemblée nationale, le président dont le mandat court, pourtant, depuis l’an 2000 ne peut plus procéder à une dissolution avant deux ans de fonctionnement (a.87) ; Qu’il le veuille ou pas, que cela l’intéresse ou pas, le président de l’an 2000 ‘… est le premier Protecteur des Arts et Lettres du Sénégal’ (a.42). Le titre V (a.58) sur l’opposition s’impose à lui, même si, dans les faits, il n’en respecte rien, etc.
En d’autres termes, c’est quand il se représentera en 2007 que le candidat, initialement, chef d’Etat se verra appliquer les dispositions relatives au nombre (deux au maximum) et à la durée (quinquennat) du mandat. Pour dire donc que Wade peut parfaitement être candidat à nouveau. Pour autant, devrait-il se représenter ? Nous répondons par la négative et ce, pour plusieurs raisons.
Il est constant que ceux de ses alliés de l’époque qui avaient soutenu Wade en l’an 2000, s’étaient entendus avec lui, sur la base de ses engagements, que ce serait pour un seul mandat. Après deux mandats successifs, la décence et la sagesse lui commandent de passer la main. Quand il a fait, irrégulièrement, modifier la première phrase de l’article 27 pour ramener le septennat, Me Wade indiquait expressément qu’il se préoccupait du training du nouveau président débutant en 2012. Il devrait, pour une fois, apprendre à respecter sa parole et donc demeurer conséquent avec lui-même. Chacun observe qu’il n’a plus les aptitudes physiques ni intellectuelles ni mentales ou autres pour faire face aux situations de plus en plus complexes du pays et que, dans les faits et dans son camp, il est otage d’un clan qui le manipule à sa guise et décide à sa place. A preuve, de plus en plus, il avoue ne pas être au courant des choses.
Sur le papier ou dans les faits, plus vieux chef d’Etat de la planète, plus vieux que le Pape, que Fidel Castro, que la reine d’Angleterre, que tout autre souverain exécutif du monde, le président Wade qui sera, en âge effectif, à l’orée de ses 90 ans en 2012, devrait faire siennes les recommandations du général De Gaulle - qui pourtant a aimé la France, passionnément, plus qu’une épouse ou une maîtresse - quand il enseigne qu’il faut savoir ‘quitter la table’, d’autant que ‘la vieillesse est un naufrage’.
Enfin, faire le forcing relèverait du narcissisme, car contrairement à ce qu’il avance, aussi bien dans sa majorité que dans l’opposition, la diaspora ou le reste du pays, nous sommes très nombreux ceux qui peuvent le remplacer et faire beaucoup mieux que lui. Le Sénégal, terre à jeune population, est un pays de gens intelligents qui se révèlent de plus en plus ingénieux et travailleurs.
Voilà pourquoi je soutiens que s’il persiste, Wade devra être battu à plate couture pour qu’il se réveille et comprenne qu’il a engagé l’élection de trop, sans oublier que personne n’est dupe dans son projet de transmettre gratuitement le pouvoir à son dauphin de fils. Evidemment, par sa faute, son avenir immédiat et celui de sa famille peuvent le préoccuper et expliquer son entêtement. Des solutions qui privilégient les intérêts du pays et sauvegardent les siens existent, qu’il suffit d’explorer entre gentlemen pour parvenir à un arrangement. C’est ou ça ou la défaite suivie de ce qui s’imposera inéluctablement.
Pour autant, nous ne devrions pas faire de fixation sur la candidature ou non du président en exercice ; sinon d’aucuns pourraient imaginer que nous craignons sa candidature. Nul n’a songé mener le débat sur sa double nationalité pour faire obstacle à sa candidature. Pourtant, il nous a fait jeter en prison sous le prétexte mesquin, fallacieux et mensonger d’absence de nationalité sénégalaise. Malgré les arguments juridiques en notre possession, l’élégance nous interdit de disserter et de brandir sa nationalité étrangère pour lui barrer la route à la candidature.
‘Exclusivement de nationalité sénégalaise’ (a.28), ce sont ceux-là qui mangent dans la main de Wade depuis l’an 2000, qui l’avaient fait introduire dans le Code électoral, puis dans la Constitution en visant personnellement Abdoulaye Wade. Autre débat avec cette notion qui dans l’avenir posera, très certainement, problème.
Jean-Paul DIAS

PAR MOUSSA TINE: Non, Me WADE ne peut pas être candidat !


Au sortir d’une réunion consacrée au pèlerinage 2012 le premier Ministre s’est prononcé sur le débat sur la possibilité pour l’actuel Président Monsieur Abdoulaye Wade de se représenter à la prochaine élection présidentielle. Interrogé moi-même sur cela, je répondais qu’il devait lire d’abord la constitution avant de réagir.
Effectivement la plupart des hommes politiques qui jusque là se sont prononcés sur la question, n’ont pas pris la peine de lire et d’analyser les dispositions sur lesquels s’appuie l’argumentaire.
Je suis bien entendu heureux que sur ce point, les extraits de la conférence de presse de Monsieur Wade du 1er avril 2010 publiés ce dimanche corroborent parfaitement mes propos.
En tous les cas, le premier ministre est revenu à la charge pour tenter de justifier à nouveau une candidature du Président de la République en 2012. Cette fois le texte est signé de « Me Souleymane Ndéné Ndiaye, membre du Comité directeur du PDS ». Je me permets, en conséquence, de rappeler la position qui est la mienne.
Effectivement, Me Abdoulaye Wade est élu Président de la République du Sénégal le 19 Mars 2000 et il prête serment et prend fonction le 1er avril de la même année. En janvier 2001 le Sénégal se dote d’une nouvelle constitution qui fixe en son article 27 la durée du mandat du président de la République à cinq ans, renouvelable une seule fois.
La thèse des partisans de la candidature du chef de l’Etat disent à peu près ceci : « puisque la limitation constitutionnelle des mandats du président de la République est intervenue bien après son élection, le premier mandat obtenu ne devrait être décompté. En effet « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif ». On ne peut donc pas valablement appliquer une loi à des actes ou des faits juridiques qui se sont passés antérieurement au moment où elle a acquis force obligatoire ».
S’il fallait s’en limiter là, les tenants de la thèse de la possibilité de se représenter (jusque là uniquement des responsables politiques du PDS et de l’AST) aurait parfaitement raison. Toute leur argumentation reposerait sur le fait que la loi ne peut régir que l’avenir, jamais le passé.
Mais il faut leur rappeler plusieurs choses :
- D’abord, sur le plan des principes, il faut rappeler que le principe de la non rétro activité des lois connait plusieurs exceptions. En effet, le principe peut être parfois écarté par la loi ; d’ailleurs les jeunes de l’UJTL le rappelaient avec raison la première fois qu’une instance du PDS s’est prononcée sur ce débat (alors que je venais d’en parler lors d’une émission radiophonique). Ce sont généralement les dispositions transitoires qui règlementent explicitement le passage d’une loi ancienne à une loi nouvelle et déterminent concrètement les effets juridiques de la loi nouvelle. Elles définissent en particulier dans quelle mesure la loi nouvelle s’applique à des situations nées avant son entrée en vigueur
- Plus spécifiquement, dans notre cas, la constitution dans ses dispositions transitoires et notamment en son article 104 prévoit : « Le président de la République en fonction poursuit son mandat jusqu’à son terme. Toutes les autres dispositions de la présente Constitution lui sont applicables. »
Si le constituant de 2001 dans notre espèce entendait faire valoir le principe de la non rétroactivité nul n’aurait été besoin de mettre l’article 104. Cet article aurait été superfétatoire. Pourquoi mettre un article, de surcroit dans les dispositions transitoires pour énoncer une disposition qui est naturellement de principe ?
A la vérité cet article organise une exception au principe de la non rétroactivité des lois sauf pour ce qui concerne la durée du mandat du Président de la République. En effet s’il n’y avait pas la première phrase de l’article 104 le Président de la République aurait fini, comme il s’y était du reste engagé, son premier mandat en 2005 au lieu de 2007. En effet, l’article 104 doit être compris comme signifiant que toutes les dispositions de la constitution de 2001 rétroagissent sauf celles relatives à la durée de son premier mandat. En supposant qu’il y ait un problème d’interprétation, les juristes s’appuient, pour s’en sortir, sur des techniques d’interprétation et entre autres méthodes, procèdent à un exercice d’exégèse du texte. Il s’agit par cette technique de pénétrer le texte dans son esprit en s’employant à rechercher la volonté du législateur ; d’où l’importance des travaux préparatoires.
Or, parmi ceux qui ont écrit les dispositions de la Constitution, il ya le Pr. Demba SY de l’UCAD, qui s’est exprimé et dont le propos va en gros dans le même sens que le nôtre, ainsi que celui de M. Mahamadou Mounir SY dans le journal L’AS des Samedi 21 et Dimanche 22 Aout 2010. Des esprits malveillants pourront toujours pour des raisons strictement politiciennes et pour justifier des stratégies partisanes remettre en cause de tels propos notamment ceux du Professeur Pape Demba Sy, par ailleurs Secrétaire Général de parti politique et membre de BENNO SIGGUIL SENEGAL.
Mais qui mieux que le Président de la République qui a inspiré et initié la constitution de 2001 peut renseigner sur la volonté du constituant ? Qui mieux que lui peut donner la bonne interprétation de l’article 104 de la constitution ? Or, Monsieur WADE, lui-même interrogé lors de la fameuse conférence de presse qu’il a tenue le 1er Mars 2007, sur sa candidature pour l’élection présidentielle de 2012, a répondu sans ambages que de toute façon la constitution ne le lui permettait pas. Cette déclaration en droit, a une valeur juridique que personne ne peut contester.
Alors le débat peut continuer pour les gens qui cherchent à prouver une certaine loyauté à Monsieur Wade, lui qui se plaint souvent de ne pas être assez défendu par les responsables de son camp… Mais le fait demeure que la candidature de Wade en 2012, qui est déjà une forme d’offense aux sénégalais, est juridiquement irrecevable.

MOUSSA TINE
Président de l’Alliance Démocratique/ Pencoo

lundi 23 août 2010

RECEVABILITÉ DE SA CANDIDATURE: En 2007, Me Wade s’était auto exclu de la présidentielle de 2012

Le débat actuel sur la recevabilité de la candidature du président Wade n’a pas sa raison d’être si l’on sait que le principal intéressé s’était exclu de ces joutes le 1er mars 2OO7, lors de sa première conférence de presse après sa réélection.

Les responsables de la mouvance présidentielle à l’image du Premier ministre Me Souleymane Ndéné Ndiaye, Me Madické Niang, Mamadou Diop «Decroix », Aliou Dia et Doudou Wade qui défendent la recevabilité de la candidature de Me Abdoulaye Wade en 2012 ont tout faux. Et les constitutionnalistes comme les Pr El Hadji Mbodj, Pape Demba Sy, Babacar Guèye et Ameth Ndiaye qui soutiennent que le Pape du Sopi a « épuisé ses cartouches » ont raison dans la mesure où c’est Me Abdoulaye Wade qui s’était lui-même éliminé de élections à venir. C’était le 1er mars 2007, lors de la première conférence de presse qui suivi sa réélection au premier tour.
En effet, lors de cette rencontre avec la presse, Me Wade, entouré de nombre de ses collaborateurs qui, aujourd’hui, tentent de défendre mordicus la recevabilité de sa candidature, avait répondu à une interpellation de Christophe Champin, alors correspondant de Rfi à Dakar. Le chef de l’Etat avait évoqué l’impossibilité de se représenter en 2012. «J’ai bloqué le nombre de mandat à deux dans la constitution. Je ne peux pas me représenter parce que la Constitution me l’interdit. J’ai décidé donc que je ne me représenterais pas », avait dit Me Wade dans la salle des Banquets du de la présidence de la République qui ajoutait : «Pour mon successeur, ne me demandez pas de nom. Je ne peux pas vous donner de nom parce que je ne le connais pas. Mais le profil, c’est quelqu’un soit bon, qui travaille, intelligent, qui aime les populations, qui de bonne relations internationales. (…) Le cercle de choix s’arrête là ». Une description dans laquelle beaucoup d’observateurs voyaient le portrait-robot de son fils Karim Wade.
Me Wade avait également saisi cette question pour éliminer Idrissa Seck de ses potentiels successeurs. «En tout état de cause, avait di Wade, ce ne sera pas Idrissa Seck. C’est important, j’ai rompu avec lui définitivement. Et comme nous disons ici, au Sénégal, nous sommes des musulmans, nous nous retrouverons devant Dieu. J’ai rompu avec lui. S’il veut être président, qu’il utilise d’autres stratégies ».
L’on se rappelle également que c’est au cours de cette conférence de presse que le président Wade avait accusé ses adversaires qui contestaient sa victoire au premier tour, « font l’objet de poursuites judiciaires. Les enquêtes suspendues à cause des élections vont se poursuivre ». Pour Idrissa Seck, Me Wade avait dit qu’il avait subtilisé « 40 milliards de francs Cfa des fonds politiques logés dans un comptes trust aux États-Unis ». Wade avait même brandi le fameux « protocole de Reubeuss » dans lequel le Maire de Thiès s’engageait à rembourser l’argent.
Pour Ousmane Tanor Dieng, ces sont les licences de pêche qui Wade avait évoqué pour justifier les poursuites judiciaires à son encontre. Quant à Moustapha Niasse, Wade l’accusait d’avoir ouvert un bureau consulaire à Hong Kong pour vendre des passeports diplomatiques sénégalais. Il reprochait également au leader de l’Afp d’avoir acheté un bien de l’Etat (sa maison à Fann) à vil prix et payable en 19 mensualités. Pour Amath Dansokho, par contre, Wade lui reprochait des malversations quand il était ministre de l’Habitat et mauvaise gestion pour ce qui est de la commune de Kédougou dont il était le maire.

samedi 21 août 2010

Dix ans de gestion des affaires et de management des hommes : Wade, le pape de l’incompétence


Homme d’idées et d’initiatives pour qui «voyager, c’est gouverner», universitaire défaillant dans l’exercice juste et démocratique du pouvoir, Abdoulaye Wade apparaît aujourd’hui comme un chef d’Etat incompétent eu égard à la déception infligée aux Sénégalais dans la gestion des affaires du pays. Dix ans après son avènement, on se rend compte que l’homme élu avec espoir le 19 mars 2000 est à la fois mauvais gestionnaire et piètre manager. La décomposition du tissu industriel national, la montée en flèche de la pauvreté, la promotion d’une caste d’entrepreneurs féodaux et une nette volonté de confisquer le pouvoir au profit d’un fils encore plus incompétent, ont transformé le Sénégal en une République prédatrice au service d’une entreprise de patrimonialisation mafieuse. Dix ans après, on se rend compte que Me Wade est une véritable fiction sur qui il ne fallait pas compter.


De quoi Abdoulaye Wade n’est-il pas le nom ? De mille et une choses. Disons, de mille et une qualités : compétence, sérieux, probité, moralité, sagesse, patriotisme, justice, équité…A côté de telles vertus qui structurent l’action des (rares) véritables hommes d’Etat qui essaiment à travers le monde, le Président sénégalais fait piètre figure parce qu’il est à l’autre bout de cette échelle des valeurs, là où s’entrechoquent les antithèses négatives.
En quoi le Président Wade peut-il revendiquer de la compétence, en dehors de son domaine réservé, celui de l’agitation intellectuelle et idéologique permanente ? Son titre de gloire suprême revendiqué en dix ans de pouvoir, c’est l’érection d’autoroutes urbaines et d’autres infrastructures à Dakar, principalement. Or, avec seulement le tiers des moyens colossaux alloués à l’Anoci, la tête la plus brûlée de la haute Fonction publique nationale n’aurait pas fait moins bien que ces murs de Berlin qui ont corrompu le visage de la capitale, distendu les liens sociaux et physiques à coup de béton armé, et démultiplié la consommation de carburant de milliers de propriétaires de véhicules. La malédiction avec Wade est que même dans ce secteur stratégique des infrastructures, le favoritisme, la gabegie et la dissimulation ont brouillé un bilan qui aurait pu être défendu. Mais lorsqu’il ferme les yeux sur des détournements évidents de plusieurs milliards de francs Cfa, en comptant sur la lassitude collective, peut-on lui reconnaître un minimum de sagesse ? L’Anoci était une affaire de famille, l’absolution du divin occupant du Palais l’a «résolue» comme telle.

UN HOMME INJUSTE
De quoi Wade n’est-il pas le nom ? De l’équité. Face au méga scandale financier et technique dont l’Anoci de Karim Wade s’est rendu coupable, des Sénégalais bon teint ont été jetés en prison à partir d’incriminations fallacieuses, alors que les pires pratiques de responsables libéraux et affiliés sont couvertes et absoutes, du sommet de l’Etat aux collectivités locales. Normal, car le Président traîne un très inquiétant déficit de légitimité et d’autorité sur ce plan-là. Ses mensonges retentissants à propos de deux affaires emblématiques d’une gouvernance calamiteuse sifflotent encore aux oreilles des Sénégalais : les 7 milliards de francs reçus de mystérieux «amis taïwanais», et l’origine des fonds pour la réfection de l’avion présidentiel (au fait, il est où cet appareil ?). Pour ce double écart qui méritait la destitution comme la moindre des sanctions, le Premier des Sénégalais est le dernier donneur de leçons à qui ses sujets prêteraient attention.
Que sait faire le Président Wade ? Faire respecter la Justice ? Cela lui est impossible en pratique. Opposant, il était le héraut de la jeunesse, l’idole par qui s’exprimaient les déceptions et frustrations de centaines de milliers de Sénégalais, le réceptacle de violences urbaines suscitées ou spontanées. Président, il couvre de la puissance du pouvoir le feuilleton macabre de jeunes gens qui meurent comme des petits cafards dans les commissariats du pays ; il gracie une horde de meurtriers condamnés par la…Justice, ceux de l’affaire Me Sèye, ceux du banditisme perpétré contre des sièges de journaux ; il se bouche les oreilles sur l’enrichissement honteux de ses parents, proches et amis. Des débuts d’enquête contre certains de ses proches pris dans le traquenard de l’argent sale, comme dans cette affaire dévoilée par le Centif ? Cela lui est intolérable. La complicité militante de magistrats carriéristes et sans état d’âme lui sert de paratonnerre.

DELINQUANCE CONSTITUTIONNELLE
De quoi Wade n’est-il pas le nom ? De la parole donnée. Comme son sosie de France, il nous promettait une République irréprochable, une démocratie exemplaire. Dix ans après, la Constitution de janvier 2001 est devenue un monstre au service de ses ambitions en attendant d’autres agressions décisives d’ici à la Présidentielle annoncée de 2012. La délinquance constitutionnelle est passée par là.
De quoi Wade n’est-il pas le nom ? De la justice sociale. Comme Sarkozy avec le pouvoir d’achat des Français, il nous a fait miroiter le kilogramme de riz à 60 francs Cfa, mais le principe derrière cet engagement était plus noble : permettre à chaque Sénégalais d’accéder à un niveau de vie correct. Mais après une décennie de gouvernance, Wade s’est trouvé d’autres amis et centres d’intérêt qui l’ont éloigné du peuple. Son pouvoir vit au rythme de la privatisation des terres et des airs, sous un processus encore inachevé de patrimonialisation de l’Etat et des moyens de production. Cette option mafieuse qui met sur la touche les leviers traditionnels du contrôle d’Etat a libéré dans la nature de petits charognards sans dessein pour le pays autre que celui d’accumuler à l’infini les prébendes au-dessus des misères du plus grand nombre. Pour leur promotion, ces nouveaux caporaux d’industrie ont nécessairement procédé comme les bourgeois des anciens royaumes de France : acheter au prix fort des «charges» qui leur donnent en retour le droit de s’enrichir en toute tranquillité. Wade, Pca de l’entreprise familiale Sénégal, a créé de toutes pièces cette nomenclature irréductiblement affairiste qu’il entend pérenniser comme poste avancé de la base sociale conservatrice et réactionnaire d’un régime d’accaparement. Sa stratégie est claire : garder le pays pour les siens le temps qu’il faut. A tout prix. Quoi qu’il faille lui en coûter. A-t-il perdu la tête ? Non, cynisme, simplement. Les Drh de sa trempe, aveuglés par la puissance de leur position managériale, sont ceux qui installent les pires climats sociaux dans leur entreprise. Le Sénégal en fait l’expérience en dépit d’une stabilité qui obéit à des mécanismes plus socio-traditionnels que politiques.

LE PIRE DES ENTRAINEURS
De quoi Wade est-il capable ? Un plan Jaxaay avec ses maisons de misère malgré un budget officiel de 52 milliards de francs, un pèlerinage à la Mecque conduit en toute opacité, des inondations cauchemardesques dont il découvre l’horreur et la persistance un samedi après-midi, en hélicoptère ; de l’électricité fuyante dans un secteur où 750 milliards de francs auraient été injectés… La Suneor (ex-Sonacos) presque cédée au franc symbolique à l’un des porteurs d’eau du prince héritier, les Ics déchiquetées en quatre ans d’exercice avant d’être remises dans le circuit, la Sar affaiblie et remariée à des capitalistes arabes, les mines d’or du Sud-est du pays cadenassées dans une nébulosité absolue, Air Sénégal international cassée pour laisser place à Sénégal Airlines, le monde rural instrumenté pour un dessein inavouable à travers un syndicat d’Etat… Et pour l’histoire, une statue nord-coréenne à 15 milliards de francs pour la renaissance de l’Afrique, à la gloire du maître. Que sait faire et bien faire notre Président ?
De quoi Wade n’est-il pas le nom ? De la cohérence. De la rationalité. Théoricien des gouvernements laminoir, des ministres kleenex, des conseillers fantoches, des Dg bas de gamme, tous corvéables à quelques exceptions, le Président sénégalais apparaît objectivement comme ce piètre entraîneur qui, à force de volonté négative, rétrograde son équipe en première division de district, soit à une dizaine d’échelons de l’élite dite Ligue 1. Sa théorie molle sur des joueurs (ministres) changeables à souhait et tout le temps est une faille essentielle dans ses capacités managériales. Un bon manager peut-il favoriser à ce point l’instabilité de son groupe de performance ?

UNE SANTE EN QUESTION
De quoi Wade n’est-il pas le nom ? De la bonne santé. Il n’y a pas de doute : le Président a atteint le fond du trou le jour où il a lâché sur la radio La Voix de l’Amérique qu’il ne connaît pas qui est Babacar Gaye, son ci-devant Directeur de cabinet politique. Les propagandistes libéraux ont vite fait de passer à la page suivante, mais l’histoire retiendra que le président de la République du Sénégal a dit un jour ignorer le nom de son plus proche collaborateur. Un peu comme si Sarkozy disait sur France inter qu’il ne connaît pas Claude Guéant. Où que Obama ne reconnaissait plus Rahm Emanuel. Wade est-il en bonne santé ? Ses fans disent oui. Mais que n’eût-il clos le débat, à son avantage en plus, en autorisant la publication de son bulletin médical pour respecter une promesse faite, même pas au peuple sénégalais, mais à un journaliste de la chaîne de télé France 24 au cours de l’émission Le Talk de Paris ? Si le flou perdure si lourdement à ce sujet, il faut croire qu’il y a anguille sous roche. Où faut-il alors ranger ses incohérences verbales sur la Bande verte sahélienne lors d’un séjour au Tchad il y a quelques semaines ? Comment analyser son idée de faire islamiser Haïti par les mourides…? Dernière nouvelle : A Brazzaville pour les festivités du cinquantenaire de l’Indépendance du Congo, un coup de fatigue bien senti a empêché sa présence au dîner de gala des chefs d’Etat hôtes de Denis Sassou Nguesso…
De quoi Abdoulaye Wade est-il le nom ? De l’égoïsme. De son plaisir personnel, celui des siens et de ses affidés. Le plaisir trouvé ailleurs qui l’éloigne du pays une bonne partie de l’année. Pour voir ses militants. Et peut-être pour se soigner à l’abri des indiscrétions. A ses yeux, «voyager, c’est gouverner». Cet homme est une véritable fiction. En plus d’être incompétent. Qui l’eût cru ?


Par Momar DIENG - momar@lequotidien.sn

vendredi 20 août 2010

ME MADICKE NIANG, SES FILS ET LE VOL DE SON COFFRE FORT: Ça me concerne et ça m’intrigue

Dans sa livraison du vendredi 20 août 2010, Le Quotidien a relaté l’affaire concernant les enfants du Ministre d'Etat Ministre des Affaires étrangères, Me Madické Niang. Ce qui m’a beaucoup intrigué. Si j’en parle, ce n'est pas le vol en tant que tel qui m'a intrigué mais les sommes d'argent en jeu ! Je reviendrai sur l'aspect du vol plus loin.
Ce qui m’intrigue, ce sont les sommes d'argent : le journal dit que les enfants du Ministre ont pu acheter cash un véhicule 4x4 neuf, passé un (1) mois à l'hôtel Radison Blu, en compagnie de femmes, envisagé (ou ayant déjà acheté) une villa aux Almadies et acheter une boîte de nuit pour fructifier leurs biens. Une simple curiosité devrait toute personne à chercher des informations auprès des concessionnaires pour savoir combien coûte une voiture 4x4 neuve sur le marché, la nuitée au niveau de l'hôtel Radison Blu, une villa aux Almadies et une boîte de nuit à Dakar, pour évaluer à peu près le montant emporté par les rejetons du Ministre.
Un simple calcul me fait voir que ce doit être une somme faramineuse, si l'on sait qu'une voiture 4x4 neuve coûte au minimum 50 millions de francs Cfa, une nuitée au Radison environ 160 000 FCFA X 30 jours X 3 personnes = 14 400 000 FCFA, sans compter la nourriture, les sorties et les libéralités qu'ils se sont permis pour satisfaire les désirs de leurs compagnes d'un moment qui, à l’image de l’hôtel, sont des putes de luxe. Je ne saurais m'avancer sur le prix d'une villa aux Almadies ni celui d'une boîte de nuit. Mais nous sommes déjà presque à 100 000 000 FCFA pour ce que je viens de citer.

La question que je me suis posé d'abord, c'est où est-ce que le Ministre d'Etat a-t-il gagné pour ne pas dire pris autant d'argent, sachant qu'il n'est ni héritier d'une fortune, ni capitaine d'industrie encore moins un industriel ? Il y a dix ans seulement, il n'était qu'un avocat du barreau. La deuxième question est pourquoi garder une telle somme d'argent chez lui, dans un coffre fort? De quoi a-t-on peur? La légalité ou l'origine de l'argent?

Compte tenu du fait que la presse s'est fait l'écho de cette histoire rocambolesque, qui fait tout de même poser des questions aux citoyens sénégalais qui vivent dans la misère totale au moment où les hommes qui nous dirigent semblent vivre dans l'opulence, y a - t- il pas moyen pour la gendarmerie et la justice d'ouvrir une enquête pour voir de très prêt la situation ? Notamment punir d'abord les coupables du vol, situer l'origine de l'argent et au cas où elle serait frauduleuse, engager des poursuites contre le Ministre. Voilà un certain nombre de questions légitimes que je me pose, parce que la somme d'argent en jeu me semble trop suspecte. Il faudrait, à mon avis, que la presse fasse des investigations les plus profonds et traquent les délinquants à col blanc, même si l'on sait que les enquêtes risquent de ne même pas être ouverte avant d'aboutir. Mais je crois qu'il faut jouer un rôle d'avant-gardistes pour protéger les intérêts des populations.

Concernant le vol, j'allais dire le comportement des enfants Niang, je crois qu'il est symptomatique de la situation dans laquelle nos dirigeants éduquent leurs enfants. A vrai dire, un enfant qui entend son père ou sa mère raconter certaines histoires à longueur de journée (pour ne pas dire mentir), adopter un certain comportement suspect, voir certaines sommes d'argent entrer chez soi, tout en sachant que ce que gagne mon papa ne lui permettrait pas d'avoir cela, et bien un tel enfant ne peut avoir qu'un comportement déviant. Nous devons pouvoir, grâce à la presse, s'indigner jusqu'à la dernière énergie pour pousser nos dirigeants à changer de comportement.

mercredi 11 août 2010

PROJET DE DEVOLUTION MONARCHIQUE AU SÉNÉGAL: Les paroles qui confirment


PROJET DE DEVOLUTION MONARCHIQUE
Depuis quelque temps, le discours du président Wade et celui de son fils Karim sur la dévolution monarchique ont changé. Après les dénégations tous azimuts, on semble changer de tactique, en acceptant le principe et sa faisabilité, tout en tentant de donner le sentiment qu’un tel projet n’habite nullement le chef de l’Etat. Un plaidoyer plus ou moins déguisé, doublé d’une propagande qui joue sur un registre assez sibyllin se met petit à petit en place. On s’y prend pour réussir l’application d’un plan visant à divertir pour mieux faire avaler la couleuvre. Et par tous les moyens.

« Si Karim veut, je peux le laisser se présenter aux prochaines élections, car je ne vois pas, parmi les gens de l’opposition, qui peut le battre ». C’est cette phrase pleine d’équivoques et de considérations sournoises que Wade a lancée la semaine dernière devant des journalistes lors de son séjour aux Usa. C’est par ce bout de phrase laconique que le président de la République vient de parler au grand jour du sujet auquel il a toujours refusé de répondre directement. A chaque fois qu’il avait, par le passé, parlé de cette éventualité, il évoquait cela de façon allusive.
Aujourd’hui, les Wade (le président Wade et son fils) semblent se préparer à vider leur sac sur le sujet qui est depuis fort longtemps sur les lèvres des Sénégalais, au moins depuis plus de 5 ans. Le sujet était resté jusque-là presque tabou dans les coulisses du palais. On parlait plutôt de « rumeurs » dans les milieux du pouvoir. Parfois les tenants du régime semblaient agacés, dès lors que cette question était abordée. Les responsables libéraux, à la tête desquels, le chef de l’Etat lui-même se disaient « ahuris d’entendre parler de dévolution monarchique au Sénégal ». C’est en 2004, au plus fort de la lutte à mort engagée contre lui que l’ancien premier ministre, Idrissa Seck révélait aux Sénégalais le projet en cours : « le fils d’emprunt était sevré et que l’heure était à la promotion du fils biologique ».
Mais, jamais, le débat n’a été directement porté par le Président Wade et par ses proches. Encore moins par Karim Wade. Aujourd’hui, le signal est donné. Ou, comme diraient les observateurs les plus avertis, c’est le moment pour « sortir la grande artillerie verbale ». Même, Karim Wade en parle ! Qu’est-ce qui explique que le président Wade et son fils se livrent soudainement et à volonté aux questions de « confrères de l’extérieur » sur la dévolution monarchique ? L’explication se trouverait dans le fait que « Karim Wade utilise la théorie de la méritocratie républicaine de Léon Gambetta et son père Abdoulaye Wade pose les premiers actes de son plan secret pour se maintenir au pouvoir par procuration », explique Abdou Rahmane Thiam, Docteur en Science politique, professeur à l’Université de Montpellier en France.

Dernière botte secrète

Le Président Wade a enfin allumé les lampions de sa succession, avec une dose de calculs qui rappelle le jeu de dé. Bonjour la diversion ! Cette méthode bien calculée reste d’ailleurs son jeu favori. Et ce n’est pas gratuit. Une source, bien au fait du système électoral utilisé lors de l’élection présidentielle de 2007, révèle que « c’est un plan bien calculé pour endormir ses adversaires jusqu’à l’élection présidentielle afin de pouvoir rééditer le coup de 2007 ». Quel était le coup de 2007 ? Notre interlocuteur explique que « Moustapha Touré, président démissionnaire de la Cena, a bel et bien raison de dire que l’énigme de l’élection présidentielle de 2007 se trouve dans le fichier ». Pour ainsi dire que le fichier a été et reste piégé. C’est pourquoi, ajoute notre source, Wade veut endormir l’opposition jusqu’à ce que l’élection présidentielle soit organisée avec le même fichier électoral de 2007. Il préfère entendre les populations râler contre les coupures intempestives d’électricité, les inondations, la cherté de la vie et autres sources de mécontentement populaire, que d’entendre parler d’un « audit sans complaisance du fichier électoral », comme le veulent l’opposition et la communauté internationale. Car, tant que le fichier reste tel qu’il est, celui à qui profitera la technologie de fraude qui le sous-tend, gagnera les élections.

Casse-tête chinois de Wade

L’opposition radicale n’a jamais reconnu les résultats de l’élection de 2007 et a toujours crié à la fraude. Le boycott des élections législatives de juin 2007, devant le refus du gouvernement d’accepter un audit du fichier électoral, a aussi levé un coin du voile qui enveloppe encore la réélection de Me Wade au premier tour en 2007. Le mot d’ordre de boycott lancé par l’opposition a été amplement entendu. Ainsi, sur les 5 millions 2 mille 533 électeurs inscrits, seuls 1 million 738 mille 185 s’étaient rendus aux urnes. Soit un taux de participation de 34,7%. Alors qu’à titre de comparaison, le taux de participation avait été de 67,4%, lors des élections législatives de 2001. Comme pour signifier que celui qui venait d’être élu président de la république se montrait incapable de mobiliser 40% de l’électorat, pour faire élire des députés, alors que 54% des électeurs lui avaient fait confiance, trois mois auparavant ( ?).
Aujourd’hui, Wade pense ouvertement à parrainer la candidature de son fils Karim. Les résultats des deux dernières élections (législatives et locales) montrent que la tâche est presque impossible, si la famille Wade veut réussir son coup en comptant, exclusivement, de façon loyale et transparente sur les urnes et sur le suffrage des Sénégalais. La popularité du chef de l’Etat connaît une chute vertigineuse depuis au moins 2007. Sans compter qu’il est peu probable qu’il puisse convaincre les caciques de son parti à se mettre en phase avec lui dans la conduite d’un tel projet. Il aura naturellement en face Idrissa Seck pour combattre le projet, mais il est également sûr que beaucoup de caciques du parti vont se placer en embuscade pour torpiller une telle aventure. Même parti, Macky Sall jouera à rendre impossible la tâche. C’est la volonté des Sénégalais qui va s’avérer décisive si leur choix est libre. Ces derniers ont déjà donné une idée de ce qu’ils pensent de ce projet en humiliant aux élections locales de 2009 Karim Wade et ses prétentions, quand son père a tenté de le faire passer en contrebande pour occuper le fauteuil de maire de Dakar. Les dakarois avaient dit non.
C’est Abdoulaye Wade lui-même qui aujourd’hui justifie la décision des citoyens de la capitale de refuser son fils. Le chef de l’Etat dit : « Si Karim veut, je peux le laisser se présenter aux prochaines élections, car je ne vois pas, parmi les gens de l’opposition, qui peut le battre ». Il admet que son fils n’a pas la maturité et l’autonomie de jugement qui lui permettent d’envisager par lui-même une candidature pour diriger le pays, en reconnaissant qu’il lui faut son aval et son autorisation à cet effet. La candidature de Karim Wade est envisagée en fonction de l’existence ou non d’un candidat de l’opposition susceptible de lui faire mordre la poussière, mais non par rapport à sa pertinence et à sa signification politique pour le pays.
En réalité cette façon de se prononcer sur la candidature de son fils participe du bluff et de la dissimulation qui sont les moyens essentiels mis au service de la promotion d’un homme que tout disqualifie aujourd’hui pour prétendre aux charges que l’on tente de lui faire assumer dans le futur. Cette candidature ne peut prospérer que sous l’ombre du mensonge et de l’escroquerie politique. Dire qu’aucun candidat de l’opposition ne peut battre Karim Wade, alors que le maire actuel de la ville de Dakar l’a humilié en 2009, en l’empêchant de prendre possession de la commune, est le démenti cinglant apporté à un mensonge translucide fonctionnant comme moyen de propagande politique au service d’une cause qui, nous semble-il, est perdue d’avance.
«Un pays ne s’hérite pas, il se mérite», aurait dit Karim Wade, faisant fi du fait que c’est un truisme que de dire que «le pouvoir ne s’hérite pas». Car, les monarchies traditionnelles ont été réduites en cendre depuis la période coloniale. Et à l’heure où le suffrage universel détermine le mode d’élection du président de la République au Sénégal, il semble plus pertinent de substituer la notion de «conquête» à celle de « mérite », pour la bonne et simple raison que « celui qui conquiert démocratiquement le pouvoir est dépositaire d’une légitimité qui fonde la confiance sur la relation de pouvoir entre le gouvernant et le gouverné». Cette légitimité politique ne se «mérite» que par le tribunal des urnes. Il y a alors un préalable de «conquête» avant le «mérite».
En plus, l’article 4 de la Constitution du Sénégal de 2001 dispose : « Les partis politiques et coalitions de partis politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils sont tenus de respecter la Constitution ainsi que les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. Il leur est interdit de s’identifier à une race, à une ethnie, à un sexe, à une religion, à une secte, à une langue ou à une région. Les conditions dans lesquelles les partis politiques et les coalitions de partis politiques sont formés, exercent et cessent leurs activités, sont déterminées par la loi ». Le journaliste Abdou Latif Coulibaly n’a-t-il pas raison de dire qu’ « un pays ne s’hérite pas, ne se mérite pas, il se conquiert » ?
Si Wade veut voir son fils se présenter à la prochaine élection présidentielle, il faut qu’il s’adonne à un préalable : à défaut de lui créer un parti, ouvrir les portes du Pds à Karim avant de lui laisser la place pour la candidature à l’élection présidentielle. Car, ce sont les partis ou coalitions de partis qui encadrent les candidatures aux élections au Sénégal avec des exceptions pour les candidats indépendants que la loi électorale précise (caution, nombre de signatures…). Mais, auparavant, Wade devrait convaincre certains caciques libéraux qui risquent d’opposer leur veto à ce « plan machiavélique ». Surtout que la cartographie politique de « l’ouverture de l’ère des sagas familiales » en Afrique subsaharienne, selon l’expression d’El Hadji Hamidou Kassé (ancien Directeur général du Soleil), pose une véritable entorse aux principes de la démocratie. Ce retour aux ordres et privilèges doit-il prospérer en ce 21e siècle ? Certainement non !

Du mérite de Karim Wade ?

Est-il suffisant d’être le « fils du président » pour prétendre devenir le « successeur du président » ? Cette question a une importance capitale dans le contexte actuel où le débat sur ce qui semblerait être un projet de dévolution monarchique prend de l’ampleur au Sénégal. Ce débat ne peut être clos, comme le demandent certains acteurs du régime libéral comme le Ministre d’Etat, porte-parole du président Babacar Gaye, suite à la déclaration de Karim Wade. Il s’agit ici, du point de vue sociologique, d’un « fait social total », c’est-à-dire, une question qui interpelle, juridiquement, culturellement, socialement…, tous les Sénégalais. Ce débat a donc généré une vigilance dans l’opinion et réveillé des démons qui prennent racine depuis des moments sombres de l’histoire du Sénégal : l’ère des dynasties où la liberté n’était pas accessible à tous. L’héritage politique existe au plan scientifique, mais il n’est pas forcément biologique. L’accès à la fonction de président de la République a, pour le cas du Sénégal, une origine constitutionnelle et non biologique. Et une autre question se pose : Karim Wade a, certes, les moyens de ses ambitions, mais, a-t-il le mérite de ses ambitions ? Si l’échelle du temps et la mise en situation comptent dans l’expérience d’un homme d’Etat, Karim Wade a-t-il mis autant de temps et d’efforts nécessaires pour arriver là où il est aujourd’hui et incarner au plan discursif la « méritocratie républicaine » ? Ce n’est pas évident ! Tout compte fait, le temps reste le meilleur juge de l’histoire.

2000, le repère qui gêne Wade

Le bon sens et la sagesse recommandent de méditer sur la manière dont l’alternance est survenue au Sénégal en 2000. Le Président Abdou Diouf ayant sans doute compris que ceux (le peuple souverain) qui lui avaient confié cette chose sacrée qu’est le pouvoir, voulaient la lui retirer. Il l’a rendue. Et avec la manière ! Même si certains détracteurs du régime socialiste affirment que les collaborateurs du Président d’alors n’avaient pas le même sentiment. Diouf avait accepté sa défaite et félicité au téléphone, avant la proclamation des résultats, son concurrent d’alors, Me Abdoulaye Wade, actuel président de la République. Cette forme d’élégance et d’esprit de fair-play avait hissé l’image de la démocratie sénégalaise à un niveau élevé.
Aujourd’hui, ces acquis démocratiques sont sur le point d’être pollués par une idée de dévolution monarchique. Car, les expériences de ce genre réalisées en République Démocratique du Congo (Rdc) avec Joseph Kabila, fils de Laurent Désiré Kabila, au Togo avec Faure Eyadema fils de Gnassingbé Eyadema et récemment au Gabon avec Ali Bongo, fils d’Omar Bongo, posent la problématique de la « démocratisation des Etats-nation » issus des processus de décolonisation. Dans une démocratie, un fils de président de la République devrait avoir l’humilité de s’abstenir de toute idée de succéder directement à son père au pouvoir. Pourquoi ? Parce que la notion de « méritocratie » pourrait ne guère émaner d’une quelconque « légitimité politique » dans la mesure où c’est le bénéfice d’une naissance qui semble plus influencer les positions occupées ou projetées. Ce qui traduit un manquement au grand principe de l’impartialité de l’Etat et des règles qui gouvernent le jeu démocratique.
Wade a l’habitude de donner en exemple le cas de Georges Bush Junior des Usa. Mais, faux exemple ! Non seulement la trajectoire de Karim Wade ne correspond pas objectivement à une forme de mobilité sociale comme c’est le cas avec Bush Junior, mais, ce dernier n’a aucunement succédé directement à son père au pouvoir. Il a d’abord occupé un poste de gouverneur de Texas et a attendu deux mandats du Président Bill Clinton qui avait remplacé son père pour se présenter et gagner l’élection présidentielle américaine de 2000 contre le candidat démocrate Albert Arnold Gore, plus connu sous le nom d’Al Gore. Loin de ce qui se fait en Afrique. Et qui semble se tramer au Sénégal.

Babou Birame FAYE

mardi 3 août 2010

Les paradoxes d’un projet « Wade à Wade »





Forme et fond du projet.

Notre pays est une terre d’imagination, tout le monde y est devin et les conjectures y vont bon train, à longueur de journée, des cours familiales aux lieux professionnels où la rigueur a dû s’en accommoder, en passant par les grand-places. Par ces temps-ci, l’actualité qui sucre le thé des citoyens, ou plutôt le "sale", c’est le projet « Wade à Wade ».

L’on suspecte le président Wade et son fils Karim d’être acteurs de l’un des scénarios suivants, dont l’épilogue reste le même, mais qui, du point de vue des rôles et responsabilités de chaque acteur, laisse apparaître une différence très instructive.

1er scénario : existence d’un projet commun entre Wade et son fils. Cela laisse entendre qu’il y a une entente, précédée par des discussions où il s’est manifesté un égal intérêt, et aussi un égal engagement et une égale responsabilité des deux parties, dans la réalisation du projet. Autrement dit, les deux sont actifs à tous les niveaux de la programmation et de la réalisation dudit projet.

2ème scénario : Le président Wade fait le voeu et a la volonté de voir son fils lui succéder. Ce projet lui est propre. En tant que chef d’orchestre, il joue le rôle le plus actif, prend seul les initiatives, et fait jouer aux autres, son fils inclus, les partitions qu’il juge à leur hauteur.

3ème scénario : Le fils, Karim, s’imagine qu’il peut succéder à son père à la présidence, puis, avec l’approbation de ce dernier, tourne ses prétentions en ambitions, et s’emploie à les réaliser avec la bénédiction du Père.

Cette distinction nous permet de mieux questionner la faisabilité du projet et de nous prononcer avec précision sur ses forces et faiblesses.

Les paradoxes.

Lorsque, au niveau du premier scénario, l’on imagine une entente entre le père et le fils, elle apparaît comme une relation horizontale où le projet, il me semble, se trouverait plutôt au milieu des deux parties face à face, chacune le repoussant vers l’autre. Alors que, pour faire avancer un projet commun, il faut pousser ensemble dans le même sens. Pour parvenir à cette vision, il faut avec un minimum de scepticisme, se situer au niveau des arguments de l’une et de l’autre partie. On ne peut promouvoir avec succès un projet qui nécessite l’adhésion du plus grand nombre, que si l’on arrive à motiver les autres à une alliance, en leur donnant à voir de manière claire leur intérêt, tant individuel que collectif, à sa réussite. Or, dans le cas précis, l’une et l’autre partie se gardent de clarifier leurs intentions, encore moins de se prononcer en faveur d’une officialisation de ce projet. On entend par-ci, par-là, « mon fils est un citoyen sénégalais, il a le droit de prétendre à la magistrature suprême » ou encore « si je voulais mettre mon fils à ma place, je saurais par où passer », « le pouvoir se mérite mais ne s’hérite pas… »

Le problème, dans ce cas de figure, réside dans l’impossibilité de promouvoir le projet dans la transparence et la clarté. L’on est obligé de saper les fondements même de la discipline de leadership, en dissimulant du mieux qu’on peut sa stratégie, en développant autour de soi une culture d’hypocrisie et de déloyauté, et en reléguant au rang de tare la culture de la confiance mutuelle et la discipline du partage et de l’échange d’information. Aucune alliance n’est possible avec une telle attitude, bien au contraire, on promeut la médiocrité, on perd progressivement estime et soutien, on rencontre résistance et défiance, pour n’aboutir finalement qu’à faire l’unanimité contre soi-même. Le projet serait donc voué à un échec dans de pareilles conditions.

Considérons le second scénario : que le président ait un tel v?u et s’emploie à le réaliser, au grand bonheur de son fils. Le projet établirait entre les deux parties une relation de figure verticale en direction du bas (du père vers le fils), où seul le père aurait un rôle actif dans la conception et la mise en oeuvre.
Il en résulte alors un problème au niveau des deux parties, par rapport aux objectifs mêmes du projet, mais aussi et surtout par rapport au statut et aux devoirs du père, qui, lui, incarne une institution.
Ce scénario implique que quelqu’un de quasiment inconnu, dans une attitude de soumission craintivement passive, avec un déficit handicapant de communication, puisse, de par la seule volonté de son père au pouvoir, accéder à la magistrature suprême d’un État démocratique. La démonstration d’aucune compétence ne serait donc nécessaire à l’accession à cette honorable fonction. Elle "s’hériterait" aujourd’hui, alors qu’il avait fallu, à celui qui l’occupe en ce moment, vingt-six années de lutte âpre, dédiée à l’avènement d’une démocratie fonctionnelle et à toute épreuve, pour aboutir à son élection – expression de la volonté du peuple.
Le statut du père à la station présidentielle, et les devoirs qui s’y rattachent vis-à-vis des lois, des institutions de la République, des partis politiques et de la société civile, des aspirations et ambitions du peuple sénégalais, constituent, face à ce projet, un rempart de scrupules et de décence, pour tout homme sensé et digne.
Comment, à partir de là, motiver le plus grand nombre à adhérer à un projet où, en dehors de leur personne et de celles de leurs protégés, les autres ne mériteraient que renoncement à leur identité, au respect des leurs, à leurs ambitions, leur passé de militant, leurs valeurs, leur foi, leurs croyances, leur idéal collectif, leur liberté de choix et leur dignité ?
Deux schémas seulement pourraient conduire à un tel naufrage, ou sabordage, de la société :

1. Une identification absolue entre le leader Wade (président de la République) et la majorité des Sénégalais,
2. Une dynamisation de la corruption machiavélique.

L’identification suppose que le président s’érige, par tous ses actes et comportements, en modèle d’intégrité, de Justice, d’éthique, de générosité et d’abnégation. Je laisse le soin à chacun d’apprécier si, oui ou non, tel est le cas, mais, en tout état de cause, ce projet-ci ne serait pas un acte honorable pour un modèle dans le contexte sénégalais.

La dynamisation d’une corruption machiavélique à l’échelle nationale comme solution : je préfère croire que la sagesse de l’homme de plus 80 ans, de l’intellectuel "le plus diplômé de l’Afrique", du professeur émérite, du combattant infatigable de l’émergence de l’Afrique noire, toutes ces qualités et tant d’autres réunies, l’en préserveront. Son fils, en tant que citoyen parmi les plus favorisés de cette nation, n’a pas besoin davantage de son coup de pouce, si l’intelligence et les connaissances qu’on lui prête sont réelles. Il ne devrait pas lui en vouloir de le laisser se débrouiller seul et d’assumer avec responsabilité son destin. Ce faisant, le père se libérerait d’un stressant projet, pour se concentrer à la recherche d’une meilleure voie apte à aider au renforcement de notre chère démocratie, s’il ne veut pas clôturer sa belle carrière par un acte annihilateur.

3éme scénario : Le fils Wade s’imagine qu’il peut et doit remplacer son père…
Dans ce cas de figure de relation verticale orientée vers le haut (du fils vers le père), Karim devrait jouer le rôle principal, concevoir, mettre en oeuvre et assumer la communication de son projet. Ce serait plus rassurant pour le peuple sénégalais si tel était le cas, puisque, ce faisant, il démontrerait ses compétences politiques et son leadership. Cela ne semble pas être le cas, Karim n’est pas mieux connu des Sénégalais aujourd’hui, qu’il est super ministre d’État, qu’hier lorsqu’il assurait la présidence de l’ANOCI. Alors, le projet ne peut non plus prospérer dans ce cas de figure, vu l’absence totale d’actes essentiels à sa promotion.

En décortiquant ainsi ce projet d’actualité, je ne cherche pas à nier son existence dans l’imagination des parties évoquées, ni dans celle d’une fraction de la société, encore moins à endormir ceux qui s’emploient à s’y opposer. Je veux plutôt démontrer ce qu’il en coûte de le mettre en oeuvre et de le réussir.
En conclusion, je dirai que les Wade auraient plus à craindre d’eux-mêmes que de leurs opposants quant à l’avortement d’un projet de succession monarchiste, s’ils venaient à vouloir l’imposer aux Sénégalais.

Pour éviter que mes opinions soient mal comprises, je donne à méditer une consigne de Bill Gates, de Microsoft, à ses agents : « Consacrez votre plus grande attention à celui qui franchit votre porte avec colère, il n’en a pas après vous mais après nos produits ou services, c’est en celui-là qu’il y a le plus d’opportunités à saisir pour nous améliorer ».


Ibrahima Niang
Pdt de JOG CI/CIVIC
Cadre de l’initiative, du volontariat,
de l’imagination et du civisme.
Email : ibeniang@gmail.com