mercredi 17 août 2011

GESTION DES DECHETS AU SENEGAL: SOPROSEN pour ôter l’or des ordures aux collectivités locales


Un projet de loi déposé sur la table des députés va consacrer la création d’une Société pour la propreté du Sénégal (SOPROSEN) chargée «du nettoiement et de la gestion de l’ensemble de la filière ordures sur l’étendue du territoire national». Ce, au détriment des collectivités locales et de l’Agence nationale pour la propreté du Sénégal (APROSEN).

Exit les collectivités locales dans la gestion des ordures. Place à la Société pour la propreté du Sénégal (SOPROSEN). Tel en a décidé l’Etat qui, à travers le ministère de la Culture, du genre et du Cadre de vie, a déposé un projet de loi à l’Assemblée nationale pour autoriser «la création d’une société à participation publique majoritaire dénommée la Société pour la propreté du Sénégal (SOPROSEN S.A.), régie par les dispositions de la loi N°90-07 du 26 juin 1990 relative à l’organisation, au contrôle des entreprises du secteur parapublic et au contrôle des personnes morales de droit privé bénéficiant du concours financier de la puissance publique». Une société à qui «reviendra la charge d’appliquer la politique définie par l’Etat en matière de ramassage et de traitement des ordures».

Dakar perd son statut spécial et ses 10 milliards

«Investie d’une mission de service public», la SOPROSEN est «chargée du nettoiement et de la gestion de l’ensemble de la filière ordures sur l’étendue du territoire national». Selon le projet de loi dont Enquête détient copie, la nouvelle société «assure la maîtrise d’ouvrage déléguée pour l’Etat et les collectivités locales, des opérations de nettoiement des lieux publics et de gestion des ordures ainsi que des équipements et infrastructures y afférents. A ce titre, l’Etat, et le cas échéant, les collectivités locales, met à la disposition de la société pour la propreté du Sénégal les ressources matérielles et financières requises pour l’exercice de cette mission, notamment celles issue de la taxe sur les ordures ménagères collectées à cet effet».
En effet, la SOPROSEN est chargée d’«assurer, pour le compte de l’Etat, des Collectivités locales et des personnes prives ou morales, toutes les activités de nettoiement public, de pré-collecte, de collecte, de transport, de transformation/ valorisation et de stockage des ordures solides».

Un capital détenu à 70% par l’Etat et les Collectivités locales

De «mettre en place une filière de gestion des déchets biomédicaux et des déchets d’abattoirs, aux fins de leur élimination, dans des conditions compatibles avec une saine gestion de la santé des populations et du respect de l’environnement». Mais aussi de «gérer l’ensemble des équipements et des infrastructures de gestion des ordures sur le territoire national» et de «veiller de manière permanente sur les normes et actions de salubrité publique, pour assurer un cadre de vie favorable à la santé et à l’épanouissement des populations ainsi qu’à la préservation de l’environnement».
Le projet de texte prévoit que «l’Etat et les Collectivités locales détiennent au moins 70% du capital de la société. Le reste est détenu par des personnes morales de droit public ou privé, toutes autres entreprises du secteur parapublic intéressées par la propreté, la salubrité et l’hygiène publique». Mieux, «les statuts de la société précisent les règles de l’organisation et de fonctionnement de la société pour la propreté du Sénégal. Ils sont approuvés par décret». Enfin, le document indique que «sont abrogées toutes dispositions contraires à la présente loi». Le texte vise principalement loi 96-06 du 22 mars 1996 portant Code des collectivités locales), la 96-07 du 22 mars 1996 portant transfert de compétences aux régions, aux communes et aux communautés rurales et la 2002-15 du 15 avril 2002 modifiant l’article 29 de la loi 96-07 qui donne à la région de Dakar un statut spécial permettant à l’Etat d’injecter quelque 10 milliards de francs Cfa par an.

Les raisons d’une spoliation

Ainsi, si le projet passe, ce sera une méga structure qui va chapeauter les ordures sur au niveau de toutes les collectivités locales. Et pour justifier cette spoliation en règle, l’Etat soutient dans l’exposé des motifs du projet de loi que «la gestion des ordures est devenue en enjeu majeur de la politique nationale, notamment en matière d’environnement et de santé publique ». Et que «la loi numéro 96-07 du 22 mars 1996 qui transférait cette compétence aux collectivités locales, n’a pas été du tout un modèle de réussite dans son application ». Pis, «la la situation (qui) prévalait dans ces mêmes collectivités locales aura empiré gravement». Ainsi, «la volonté manifeste du gouvernement, plusieurs fois affirmée à trouver une solution durable au problème, n’aura pas suffi». Et va même créer «trois problèmes». Premièrement, il y a «une discrimination inopportune dans les collectivités locales au seul bénéfice, de Dakar, (qui) pourrait laisser croire indûment que les autres régions seraient des laissés pour compte en matière d’environnement et de santé ». Le second problème réside dans «une prise en compte incomplète de la typologie des ordures » notamment les déchets biomédicaux et les déchets d’abattage, par exemple, qui «ne sont pas traités comme des cas spécifiques». Enfin, il y a «l’absence fort préjudiciable d’un schéma efficient de recyclage et de valorisation des déchets solides alors même que c’est là un point nodal à traiter».


Vers la disparition de l’Entente CADAK-CAR et le recyclage de l’APROSEN

L’arrivée de la Société pour la propreté du Sénégal (SOPROSEN) dans la gestion des ordures aura au moins deux conséquences dans le secteur. La première, c’est la mort de l’Entente CADAK-CAR, la structure regroupant les collectivités locales des départements de Dakar et de Rufisque. En effet, cette autorité créée sur les cendres de la Communauté urbaine de Dakar avait commencé, après plusieurs errements, à sortir la tête … hors des déchets en lançant un appel d’offres international pour la gestion des ordures dans la région de Dakar. Le dépouillement de cette procédure est même prévu, selon non sources, dans la semaine.
La seconde victime, c’est l’Agence pour la propreté du Sénégal qui, d’après nos informations, pourraient se recycler dans la SOPROSEN. En effet, si la loi passe, toutes les prérogatives et compétence de l’APROSEN passeront entre les mains de cette société privée. D’ailleurs, l’Etat avait voulu, à travers le décret 2001-329 (décret du reste jamais publié) portant réorganisation et fonctionnement de l’APROSEN, transférer la gestion des ordures à cette agence.
Par ailleurs, l’APROSEN approuve la création de la SOPROSEN. En effet, dans «une note sur le projet» de création de cette société privée, l’APROSEN, a souligné que «l’insalubrité règne en maitre autant dans les communes de la capitale que partout ailleurs au Sénégal». Selon l’APROSEN, «le coût onéreux des équipements et des infrastructures de gestion des déchets et les charges de leur fonctionnement sont hors de portée des collectivités locales prises individuellement».


KHALIFA SALL, MAIRE DE LA VILLE DE DAKAR
«C’est Dakar qui est particulièrement visée dans cette procédure»


C’est un Khalifa Sall amer et étonné de la création de la Société pour la propreté du Sénégal (SOPROSEN) qu’EnQuête a joint hier. Le Maire de la ville de Dakar n’a pas mâché ses mots face à cette initiative qui, à l’en croire, remet en cause «la pertinence du principe de la libre administration qui régit les collectivités locales». «Je pense d'ailleurs que Dakar qui est particulièrement visée dans cette procédure », dit Khalifa Sall qui poursuit : «Maintenant nous allons réagir. On va se réunir au niveau national, c'est-à-dire dans le cadre de l'Association des maires du Sénégal et de l'UAL et de l'Entente Cadak-Dakar pour apporter une réponse appropriée à ces dérives. Il faut qu'on élargisse le champ de notre réaction au niveau national parce que la loi vise toutes les collectivités locales».
«Je suis étonné. Dans tous les pays du monde, les ordures relèvent des collectivités locales qui sont responsables en la matière. Maintenant, on change la loi et on nous créé une nouvelle société dans laquelle l'Etat et les collectivités locales sont actionnaires. On nous enlève une compétence et on nous oblige à adhérer dans une société », dit M. Sall qui ajoute : «On doit donc se poser la question de la pertinence du principe de la libre administration qui régit les collectivités locales ». Pour lui, ce projet de loi est «un recul grave par rapport à la loi sur la décentralisation de 1996 ».

«Logique politique de contrôler les collectivités locales perdues en 2009»

La cause de cette «régression terrible », Khalifa Sall estime qu’elle est «peut-être motivée par le crédit de la Banque islamique de développement (BID) qui prévoit d'acheter 300 camions bennes pour le ramassage des ordures». Mais derrière ce recule, le premier magistrat de la ville de Dakar voit «aussi une grosse contradiction par rapport aux propos que le président Wade a toujours tenus. Il parle de consolider la décentralisation, mais il fait autre chose. Dans ce contexte, que vaut par exemple son idée de provincialisation ? C'est tout le décalage qui existe entre le discours du Président Wade et les faits. Il initie de nouveaux découpages administratifs pour reprendre des zones perdues sur le plan électoral, au moment où il fait l'éloge de la centralisation».
De façon général, Khalifa Sall considère ce projet de loi comme «le troisième recul qu'on inflige aux collectivités locales depuis 2009. Il faut se rappeler en effet qu'on nous a retiré presque tout dans le domaine du lotissement avec le nouveau Code de l'Urbanisme. Wade a ensuite procédé à de nouveaux découpages administratifs dans un but politique. Tous ces actes rentrent dans la même logique politique qui est de contrôler les collectivités locales perdues en 2009. C'est dangereux et inquiétant ».
Bachir FOFANA
(Article paru dans l'édition du 16 août 2011 du quotidien ENQUETE)

ELECTRIFICATION RURALE: Micmac autour d’un projet indien de 12,5 milliards

KEC International Limited, une société indienne exerçant dans l’électrification rurale, vient de saisir l’Autorité de régulation des marchés publics pour dénoncer des pratiques peu orthodoxes dans un appel d’offres portant sur l’électrification rurale financée par une ligne de crédit de l’Inde d’un montant de 27,5 millions de dollars, soit près de 12,5 milliards de francs Cfa.

L’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) est appelée à trancher dans un appel d’offres émis par l’Ambassade du Sénégal en Inde portant sur la sélection de compagnies indiennes dans le cadre d’un projet d’électrification rurale. En effet, la société indienne KEC International Limited a saisi le régulateur des marchés publics pour dénoncer une nébuleuse qui entoure ce marché d’un montant de 27,5 millions de dollars, soit plus de 12,5 milliards de francs Cfa pour un projet d’électrification rurale que doit piloter l’Agence sénégalaise d’électrification rurale (ASER). L’objet du litige est l’«appel d’offres sur le Site Web de l’Ambassade du Sénégal en Inde en date du 20 mai 2011 pour la Sélection de Compagnies indiennes dans le cadre de la Ligne de Crédit de 27,5 millions de dollars pour un Projet d’électrification rurale au Sénégal». Pour la société KEC International, il y a «assez d'éléments pour penser que cette procédure est contre la réglementation des marchés publics en vigueur en Inde ou au Sénégal, et elle est clairement entachée d’irrégularités évidentes».

Un appel d’offres lancé en catimini

La première irrégularité se situe au niveau des délais de publication d’«un avis de sélection en procédure d’urgence de fournisseurs indiens» effectué le 20 mai 2011 par l’Ambassade du Sénégal en Inde qui l’a publié sur son site web. Mais, selon le plaignant, «l'avis était publié pour une durée extraordinairement courte et inhabituelle de dix jours seulement pour un projet de cette dimension». Si c’est le code des marchés du Sénégal qui est appliqué, l’appel d’offres d’urgence doit au moins durer 21 jours. Pis, «il ne figurait sur aucun autre média indien ou sénégalais comme le demande la Convention de Crédit. Il n'était surtout pas publié sur le web site de l'Exim Bank d’Inde ou tout appel d'offres de ce type doit figurer». Mais le plus cocasse, c’est «la faiblesse du document» d’appel d’offres. En effet, «un document sommaire de 9 pages qui demandait une cotation de prix pour du matériel électrique avec des erreurs ou omissions flagrantes sur les quantités demandées d’une page à une autre». L'avis disait aussi que «la liste du matériel était seulement à titre indicatif et que les quantités définitives seraient connues une fois un Survey effectué sans en préciser la date ni la nature». Or, dans la pratique, pour ce genre de projet, une visite des sites ou une séance d’explications préalable était attendue des autorités contractantes.

Des spécifications techniques non spécifiées dans le dossier d’appel d’offres de 9 pages avec «des erreurs ou omissions flagrantes»

L’avis publié disait également que «l’évaluation des offres devait se faire sur la base de spécifications techniques (qui n’étaient d’ailleurs pas spécifiées) par le département compétent du ministère de l’Energie, qui avait le droit d’accepter ou de rejeter toute offre non-conforme, sans que les paramètres de conformité des offres ne soient décrits». Le plus troublant concernait l'ouverture des plis qui «devait se faire au siège de l'agence d'exécution du Gouvernement le samedi 04 Juin 2011 (jour non ouvrable) sans que le nom ni l'adresse de l'agence soit mentionnés». Pire, soutient la société KEC, «les sociétés soumissionnaires n'étaient même pas conviées à l'ouverture des plis qui normalement doit être faite en séance publique, selon la loi. Ce qui donne quand même peu de crédibilité et de sérieux à cette procédure». Et de se demander : «Comment assurer une transparence si même les sociétés qui ont envoyé des plis fermés ne sont pas représentées le jour de l'ouverture de ces plis?»
La réponse à ce questionnement se trouve, à en croire la société plaignante, dans le fait «qu’un Contrat aurait été signé par l’ASER avec un des fournisseurs indiens qui avait déposé une offre». La plaignante poursuit : «Comme nous le permet la législation au Sénégal et en Inde, nous avons envoyé une lettre de protestation à l’ASER datée du 03 août 2011. Étrangement, aucune réponse ne nous est parvenue à ce jour. Nous nous sommes également renseignés auprès d’autres sociétés indiennes qui ont soumissionné et qui sont dans la même situation d’incompréhension et de surprise que nous». Mais avant ce courrier à l’ASER, KEC International avait «envoyé un courrier de demande d’explications à l’Ambassadeur du Sénégal en Inde daté du 27 mai 2011 avec copie (au) ministre de l’Energie. (Mais) aucune réponse ou explication ne nous a été donnée jusqu'à présent».

L’Aser aurait déjà signé le contrat avant la fin de la procédure

C’est fort de toutes ces considérations que l’ARMP a été saisie pour qu’elle fasse «respecter la loi et démontrer que le Sénégal est un grand pays de droit où les sociétés sont choisies selon des règles sérieuses de compétitivité». Karim Wade, ministre d’Etat en charge de l’Energie, Ibrahima Sar, ministre délégué à l’Energie, Aliou Niang, Directeur général de l’ASER, l’Ambassadeur d’Inde au Sénégal, sont entre autres ampliataires de cette plainte auprès de l’ARMP. Et pour bétonner son argumentaire, KEC International a joint à son dossier la Convention de crédit signée le 27 avril 2011 entre le Sénégal et l’Inde, l’avis de publication sur le site de l’ambassade du Sénégal en Inde et les lettres de protestation des 27 mai et 3 août derniers.
Pour rappel, c’est le 21 avril 2011 que le Sénégal et l’Inde ont signé une convention de crédit d'un montant de 27, 5 millions de dollars «pour le financement d'un Projet d'électrification rurale». D’après ladite convention, «seules des entreprises indiennes sont habilitées à être retenues comme fournisseurs pour ce projet et que la procédure de sélection doit respecter le Code des marchés en vigueur au Sénégal et en Inde».
Bachir FOFANA
(Article paru dans l'édition du 17 mai 2011 du quotidien ENQUETE)

mercredi 10 août 2011

L’ETAT TRAÎNE EN JUSTICE LE N°1 MONDIAL DE LA SIDERURGIE: 342 milliards de francs Cfa de dommages réclamés à Arcelor-Mittal


C’est la Cour internationale d’arbitrage de Paris qui a hérité du contentieux entre le Sénégal et Arcelor Mittal dans le cadre du contrat de concession les liant pour l’exploitation du fer de la Falémé. Le premier s’estime abusé par le second qui «n’a pas respecté ses engagements» et lui réclame 750 millions de dollars de dommages et intérêts.

Entre Arcelor Mittal et le Sénégal, le divorce est consommé. Tellement consommé qu’il a atterri devant la Cour internationale d’arbitrage de Paris avec la plainte de l’Etat du Sénégal contre le géant mondial de la sidérurgie. EnQuête a appris de sources bien informées que la Sénégal a attrait Arcelo Mittal devant cette juridiction pour «non respect de ses engagements» et lui réclame 750 millions de dollars de dommages et intérêts. Soit 342 milliards de francs Cfa (avec 1 dollar valant 456 francs Cfa à la date du 8 août 2011).
La Cour internationale d’arbitrage de Paris va statuer sur ce dossier le 15 septembre prochain, selon nos informateurs qui ajoutent que le Sénégal s’attache les services de deux avocats français. Il s’agit de Mes Rasseck Bourgi et Sébastien Bonnard. Pour Me Bourgi, EnQuête a joint son cabinet pour avoir les détails de la procédure. Mais son assistante, après nous avoir fait savoir que Me Bourgi était «en vacances», a expliqué que le cabinet n’était «pas habilité à parler de cette affaire». Au ministère des Mines également, l’on soutient que «c’est une procédure confidentielle».

Verdict le 15 septembre

Toutefois, EnQuête a appris de sources concordantes que l’objet du litige relève du non respect des engagements d’Arcelor Mittal. En effet, prétextant la crise financière internationale, Mittal avait soutenu qu’il était dans l’incapacité de respecter les 25 millions de tonnes de fer qu’il devait produire par an. Pis, le N°1 mondial de la sidérurgie avait aussi fait savoir au Sénégal qu’il ne pouvait plus construire le chemin de fer ni le port minéralier qui faisaient partie de la convention de concession. Arcelor avançait n'être en mesure de produire que 2 millions de tonnes de fer par an (contre les 25 millions prévus par le contrat). Et pour le transport de ce fer, il proposait de le faire … dans des camions.
Le Sénégal a naturellement refusé les révisions du géant de l'acier. S’en est suivie une procédure de conciliation et un échange de correspondance avec des propositions et des contre-propositions qui ne satisferont par le Sénégal qui campait sur le contrat signé en février 2007. C'est-à-dire, outre l’exploitation du gisement estimé à 750 millions de tonnes, Arcelor Mittal devait investir environ 2,2 milliards de dollars pour un complexe qui comprendrait le développement de la mine, la construction d'un nouveau port près de Dakar, ainsi que le développement d'environ 750 km d'infrastructures ferroviaires pour relier la mine au port. Sans compter les milliers d’emplois directs ou indirects que cette exploitation devait générer.

Signes avant-coureurs

Il faut dire que cette procédure contentieuse était dans l’air du temps depuis novembre 2010. En effet, devant les députés pour le vote du budget de son département, le ministre d’Etat Abdoulaye Baldé avait laissé plané l’éventualité d’une saisine des juridictions. «Pour le projet Arcelor Mittal, il ne faut pas se voiler la face, il y a eu quelques difficultés dans l’exécution de ce contrat. Arcelor Mittal a été confronté dans un premier temps à la crise économique mondiale. Ce qui a fait qu’aussi bien la convention minière, la convention portuaire, que celle ferroviaire qui avait été signée, tous ces programmes n’ont pas pu être exécutés.

Les louvoiements de Mittal

Dans la mesure où Arcelor nous avait signifié les difficultés dans lesquelles il était plongé et qui faisaient qu’il demandait à l’Etat de pouvoir retarder leur exécution. Nous nous sommes rendus compte qu’Arcelor Mittal n’avait pas respecté les engagements qui étaient contenus dans ce contrat. Il avait évoqué la crise financière internationale pour demander une suspension du contrat», disait le ministre Abdoulaye Baldé devant les députés. Il ajoutait : «Nous avons repris les négociations avec la société. Nous osons espérer que nous pourrions relancer dans les jours à venir ce projet si les discussions qui sont en cours aboutissaient. Sinon bien entendu, nous nous engagerons dans des solutions qui sont prévues dans le contrat et qui vont nous mener vers un contentieux». Se voulant plus précis, M. Baldé de dire : «Nous sommes en train de voir comment relancer tout cela, mais si nous ne nous entendons pas, il est évident que nous irons devant le juge». Pour le ministre, «le contrat prévoit une phase de conciliation au préalable, ensuite aller devant une cour arbitrale». Précisant être dans «dans une phase de pré-contentieux» mais «pas encore en contentieux», Abdoulaye Baldé révèle qu’«il y a de bonnes dispositions qui se sont manifestées de part et d’autres. Nous pensons que si nous sommes autour d’une table, nous allons trouver des solutions. Mais je pense que l’Etat du Sénégal fera de telle sorte que tous ses intérêts puissent être préservés dans ce dossier. Et nous travaillons dans ce sens».


10000 emplois et 1000 milliards d’investissement fondus
C’est en février 2007 que le Sénégal avait signé un contrat avec Arcelor Mittal (né de la fusion entre le groupe europée, Arcelor et de l’indien Mittal Steel). Le N°1 mondial de la sidérurgie promettait un investissement de 2,2 milliards de dollars (plus de 1000 milliards de francs Cfa) pour exploiter le fer de la Falémé. L'importance de ce financement était à la mesure des investissements projetés pour exploiter des réserves de fer estimées à 750 millions de tonnes. Il s’agissait de construire un port minéralier à Bargny, et de rénover (ou construire) 750 km de chemin de fer reliant la mine au port de Bargny. Le géant mondial de l'acier s’engageait à produire, à partir de 2011, 15 à 25 millions de tonnes de fer par an. Ce qui devait générer plus de 10000 emplois directs et indirects. Les décrets présidentiels lui attribuaient une concession de 25 ans. Mais le Sénégal, en application du Code minier, avait gratuitement 10% des actions dans le capital de la société d'exploitation alors que le secteur privé local devait avoir droit à 25% des parts. Autres avantages pour le Sénégal : la construction d'une unité sidérurgique dont 10% de la production reviendra au Sénégal, qui aura la latitude de l’écouler sur le marché international ou de le vendre à Arcelor Mittal. Les finances publiques devaient ainsi récolter chaque année près de 115 millions d’euros. Soit plus de 75 milliards de francs Cfa.
Mais avant Arcelor Mittal, le Sénégal avait signé un contrat avec les Sud Africains de Kumba Iron Resources. Chassé du Sénégal pour non respect des engagements, Kumba avait attrait le gouvernement au tribunal arbitral de Bruxelles et lui avait réclamé plus de 304 milliards de francs Cfa de dommages et intérêts. Mais l’affaire sera finalement réglée à l’amiable.



De la Cour internationale d’arbitrage
La Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale est une organisation internationale de juridiction arbitrale permanente dont le siège est Paris, en France. Elle assure l’administration des arbitrages internationaux, des conciliations, et des commissions d’enquêtes dans des litiges entre États, personnes privées et organisations intergouvernementales. Elle se situe ainsi à la croisée du droit international public et du droit international privé.


Article paru dans l'édition du mercredi 10 août 2011 du quotidien ENQUÊTE

vendredi 5 août 2011

FINANCEMENT DU PLAN TAKKAL: Lumière sur un montage financier


Décrets à la pelle, nouvelles taxes saignant davantage les contribuables, virements de crédits préjudiciables à d'autres secteurs d'activités, alourdissement de la dette... L'argentier de l'Etat a dû s'exercer à des acrobaties pour le financement du Plan Takkal de Karim Wade. EnQuête revient sur le diable de détails de cette mobilisation certainement sans précédent.

«Nous pouvons dire que le financement du Plan Takkal est bouclé». L’annonce a été faite par Abdoulaye Diop, ministre d’Etat, ministre de l’Economie et des Finances le 26 juillet 2011. C’était lors de la signature d’une convention de financement de 57 milliards de francs Cfa pour le plan de relance et de restructuration du secteur énergétique dénommé Plan Takkal.

Plus de 30% entre ponctions sur budgets et création de nouvelles taxes

Toujours perfusée jamais guérie, du moins jusqu'à ce jour, la Senelec ressemble au tonneau des Danaïdes depuis plus d'une décennie. Paradoxalement, c'est un montage financier sans précédent, et à coups de décrets, pour que lumière pérenne soit à moyen et long terme. Le faisceau lumineux sur la mobilisation des ressources nécessaires - 650 milliards de francs Cfa – découvre les acrobaties auxquelles a dû se livrer l'argentier de l'Etat pour que le problème énergétique ne fasse plus perdre 1,4% de croissance à l’économie, comme en 2010.
Déjà, lors du Conseil des ministres du 30 mars 2011, le gouvernement annonçait dans un communiqué que «220 milliards de francs Cfa sur les 365 nécessaires cette année pour financer le plan Takkal ont été déjà acquis». Mais, c’est finalement 210 milliards de francs Cfa qui seront trouvés dans le budget national. Et comment ? A travers des ponctions effectuées sur d’autres budgets ministériels pour alimenter le Fonds spécial de soutien du secteur de l’énergie (FSE) créé par le décret 2011-161 du 28 janvier 2011. Selon la Loi de finances rectificative 2011, des réaménagements ont été apportés dans diverses lignes de crédits. C’est le cas notamment d’une ponction de 62 milliards sur les 92,5 prévus pour le prolongement de l’autoroute à péage de Diamniadio à AIBD-Mbour-Thiès. Une somme tirée de l’emprunt obligataire de 500 millions de dollars américains levés sur le marché financier international. D’autres crédits d’un montant de 114 milliards de francs Cfa ont aussi migré vers la cagnotte du plan Takkal.
A côté du budget de l’Etat, les autorités ont saigné aussi d'autres secteurs à travers la création de nouvelles taxes ou la migration de fonds initialement destinés à un autre usage. Dans ce lot, il y a le décret 2011-167 du 3 février 2011 instituant une taxe de «Contribution au développement du secteur de l’énergie» (CDSE) qui augmente de 100% le taux du prélèvement sur la valeur en douane des marchandises importées par voie maritime (de 0,2% à 0,4%) au profit du Conseil sénégalais des chargeurs (COSEC). Cette taxe affecte 85% des montants collectés au FSE. Idem pour les décrets 2011-170 du 03 février 2011, instituant une taxe dénommée «Prélèvement de soutien au secteur de l’Energie» (PSE), et 2011-171, portant modification des modalités de détermination des prix des hydrocarbures raffinés. Ces textes réglementaires portent sur de nouvelles taxes sur les hydrocarbures. Variant entre 1 et 5%, hormis le fuel, ils devraient permettre de mobiliser 45 milliards FCfa par an. Le décret N°2011-311 du 07 mars 2011, lui, affecte 95% des ressources du Fonds de développement du service universel des télécommunications (FDSUT) au FSE. Pour mémoire, le FDSUT a été créé par décret n°2007-593 du 10 mai 2007 en application de l’article 9 de la loi 2001-15 du 27 décembre 2001 portant Code des télécommunications. Ce texte prévoyait que les opérateurs de téléphonie versent au FDSUT «une contribution annuelle fixée à 3% au maximum du chiffre d'affaires hors taxes net des frais d'interconnexion réglés entre exploitants des réseaux de télécommunications ouverts au public». Et d’après nos informations, c’est seulement sur l’année 2007 qu’un montant de 7 milliards de francs Cfa avait été collecté auprès des deux opérateurs (Orange et Tigo) qui existaient en son temps. Depuis lors, plus aucune somme n’avait été collectée du fait des difficultés de l’Etat à mettre en place un Comité de direction, organe qui devait se charger de l’orientation et du contrôle du Fonds. Mais, selon des sources proches du dossier, pas moins de 40 milliards de francs Cfa sont à recouvrer auprès des trois opérateurs de téléphonie. Ainsi, si la somme est perçue, les 38 milliards iraient au Takkal. Un vrai détournement d’objectif si l’on sait que FDSUT avait été mis en place pour faire en sorte que les services de télécommunications couvrent l’ensemble du territoire.

Plus de cent milliards d’emprunt auprès des bailleurs
Les bailleurs de fonds sont aussi venus à la rescousse pour que cesse le rationnement de l’électricité au Sénégal. C’est ainsi qu’il est attendu de la Banque islamique de développement (BID) 100 milliards de francs Cfa. Le mardi 26 juillet dernier, la Banque ouest africaine de développement (BOAD) a mis sur la table près de 57 milliards de francs en trois accords de prêts. Ces accords sont destinés à financer l’acquisition de groupes conteneurisés pour un montant de 27 milliards, un projet de construction d’une centrale de la SENELEC à hauteur de 23 milliards F Cfa et la location de groupes électrogènes à 12 milliards. L'objectif visé est un accroissement et une sécurisation de la fourniture de l’énergie électrique dans le réseau interconnecté avec la production de 250 gigawatts/heure par année.
En outre, l’Agence française de développement (AFD) a aussi répondu à l’appel du pouvoir sénégalais avec un prêt de 40 milliards de francs Cfa pour la réhabilitation de 14 machines (moteurs et tribunes) des centrales de Bel-Air, Cap des Biches et Kahone ainsi que la mise à niveau du parc de fuel du Cap des Biches. De même, quatre moteurs de la centrale de Boutoute à Ziguinchor seront réhabilités mais aussi, la maintenance des groupes électrogènes de Kédougou, Tambacounda, Kolda et Vélingara.

A quand la lumière ?
A quel Wade se fier quant à la fin des délestages ? Est-ce le père qui l’annonce en septembre prochain ou le fils qui, devant les députés pour le vote du budget de son ministère l’avait différé en 2014 ? Ou encore, est-ce le Karim qui s’aligne sur les positions de son père lors de la signature d’un accord de prêt avec la Banque ouest africaine de développement (BOAD) ? Difficile de répondre aujourd’hui à cette question.
Mais pour Momar Ndao, président de l’Association des consommateurs sénégalais (ASCOSEN), «on peut mettre fin aux délestages sans que les Sénégalais n’aient de l’électricité en continu». Pour lui, il faut nuancer les propos des autorités en charge du secteur quand elles soutiennent que les délestages seront un mauvais souvenir pour les populations à partir du mois de septembre. «Les délestages pour manque de production (de combustible), ça, ça peut finir. Mais des pannes dans le réseau peuvent survenir à tout moment. Et cela revient à la même chose pour les consommateurs. C'est-à-dire qu’ils n’auront pas d’électricité. Ce qui importe, c’est d’avoir de l’électricité en continu», soutient M. Ndao.
Mais pour Djibril Thiongane, expert en énergie, «on ne fait que différer le problème dans le temps. Le problème, ce n’est pas avoir de l’argent et des financements. C’est comment dépenser cet argent». Pour lui, le système actuel et celui d’avant est le même. «Ce sont les mêmes conditions d’approvisionnement, le même système. Et ça, ce n’est pas régler la question». Mieux, il affirme que la Senelec est «prise en otage par un système» qui fait que le gain d’un milliard de francs Cfa engrangé dans l’appel d’offres pour son approvisionnement en combustible aurait pu être multiplié par quatre.


L’ALTERNANCE ET LE SECTEUR DE L’ELECTRICITE
Plus de 1200 milliards pour le plus grand échec des Wade


«L'échec de Samuel Sarr dans le secteur de l’énergie, c’est l’échec personnel, avant tout, du président Abdoulaye Wade». C’est dans une interview accordée au journal «Le Populaire» du 11 janvier 2011 que Jacques Habib Sy, Secrétaire exécutif de l’ONG Aid Transparence, avait tenu ces propos sur la situation énergétique du pays. Des propos confirmés par la pluie de milliards qui s’est abattue sur un secteur depuis 2000 sans pour autant que les Sénégalais n’aient une fourniture continue de l’électricité. En réalité, en cumulant les investissements prévus dans le cadre du plan Takkal et les financements antérieurs, près de 1200 milliards de francs Cfa ont été injectés dans l’électricité, soit l'équivalent du budget du Sénégal en 2006. Et les Sénégalais continuent toujours à s’éclairer à la bougie en attendant un règlement définitif de la situation qui n’est attendue qu’en 2014, quand les centrales à charbon seront opérationnelles.
En effet, n’en déplaise à Karim Wade qui avait soutenu le 13 février 2011 à la télévision nationale que «c'est 139 milliards de F Cfa qui ont été investis à la Senelec depuis 2000 et non 800 comme le soutiennent certains», la société d’électricité a déjà englouti plus de 631 milliards de francs Cfa en investissement, subvention sur le prix de l’électricité ou recapitalisation. Faut-il le rappeler, l’une des premières mesures de Wade nouvellement élu président de la République a été de dénoncer le contrat liant le Sénégal au consortium franco-canadien Hydro Québec Hélio. Cette rupture de contrat pilotée en son temps par Abdoulaye Bathily alors ministre de l’Energie, sous la houlette de Moustapha Niasse Premier ministre, s’était faite suite au rachat des actions de ce consortium à hauteur de 45 milliards de francs Cfa. S’en est suivie une recapitalisation de la Senelec pour 40 milliards de francs Cfa. En clair, le départ des Franco-canadiens a coûté au contribuable 85 milliards de francs Cfa. Sans compter qu’entre 2000 et 2004, les divers investissements faits à la Senelec étaient de l’ordre de 26 milliards de francs Cfa.
En 2008 également, dans un autre processus de recapitalisation, l’Etat avait déboursé 102 milliards de francs Cfa au profit de la Senelec. Ce, sans compter un investissement de 169 milliards de francs Cfa dans divers investissements dans le réseau, l’immobilier et la production. Mais aussi les 200 milliards de francs Cfa de compensation financière pour éviter les diverses augmentations du prix de l’électricité. Augmentation que les différentes compensations n’ont pu empêcher. Selon Momar Ndao, président de l’Association des consommateurs sénégalais (ASCOSEN), le cumul des différentes hausses du prix de l’électricité est de 49% et 89% respectivement pour les petits et grands consommateurs. Et cette année, il est prévu une compensation de 18 milliards de francs Cfa.
Mais de façon générale, entre 2006 et 2009, le secteur de l’énergie a coûté à l’Etat et aux bailleurs de fonds 480 milliards de francs Cfa en termes de subventions sur le prix de l'électricité, du gaz butane comme pour la recapitalisation des dettes de la Senelec et de la Sar. Soit 152 milliards en 2006, 120 milliards en 2007, 136 milliards en 2008 et une projection de 72 milliards en 2009.

(Article paru dans l'édition du 3 août 2011 du quotidien ENQUÊTE)

MILLENIUM CHALLENGE ACCOUNT (MCA): Comment le Sénégal a perdu 330 milliards de don


Quand un homme du sérail déballe, ça fait souvent désordre. Dans son ouvrage «Macky Sall, un combat pour la République», Diène Farba Sarr explique comment le régime wadien a fait perdre au Sénégal 330 milliards de francs Cfa de don américain. Notamment dans le cadre de la première approche du Millenium challenge account(MCA).

Alchimie wadienne dans toute sa splendeur. Refuser un don de 600 milliards FCfa pour n'en accepter que moins de 300 ; c'est la prouesse réussie par le régime de l'alternance. En effet, de 600 milliards de francs Cfa dans le premier projet piloté par l’Agence de mise en œuvre de la plate-forme du millénaire de Diamniadio (AMPMD) en 2007, le Sénégal s’est finalement retrouvé avec une enveloppe de 270 milliards de francs Cfa en 2010 dans le cadre du Millenium challenge account (MCA). Soit une perte sèche de 330 milliards de francs Cfa. Diène Farba Sarr, ancien Conseiller spécial du Premier ministre Macky Sall, met cette curieuse arithmétique sur le compte de la volonté d’un «certain lobby influent sur les décisions de l’Etat» de se substituer au principe de transparence dans les procédures d’appel d’offres voulues par l’administration américaine.
En effet, dans son ouvrage «Macky Sall, un combat pour la République», présenté en juillet dernier, l’auteur s’indigne de la faiblesse de l’enveloppe des 270 milliards que le président Wade, en septembre 2010, présentait comme «une bonne nouvelle». M. Sarr, lui, se focalise aujourd'hui sur la perte de 330 milliards.

«Lobby influent»

D'après l'écrivain, «la seule condition préalable, posée par les autorités américaines pour disposer de cette manne financière, était l’administration de la Plate-forme (de Diamniadio) par un opérateur privé, choisi suite à un appel d’offres international, plus conforme aux règles qui déterminent la gestion des fonds publics aux USA». Mais «la procédure était très contraignante pour un certain lobby influent sur les décisions de l’Etat». Et pendant ce temps, le pouvoir de Wade «négociait déjà le même projet avec les arabes qui devaient investir à travers le JAFZA pour environ 400 milliards de francs Cfa sous forme de prêt destiné à financer une Zone économique spéciale d’une aire de 10 000 ha délimitée entre autres par la Plate-forme (de Diamniadio)», révèle M. Sarr.
«Ce lobby influent» est parvenu à saper le financement américain le 15 février 2007, «en pleine campagne électorale (pour la présidentielle), lorsque le gouvernement fera voter en catimini par 16 députés, parmi les 120 que comptait la dixième législature, deux textes de loi bien singuliers». Ces deux textes «adoptés en définitive par 10 députés seulement», portaient sur la création de la Jebel Ali free zone autority (JAFZA) et le passage de l’Agence pour la promotion de l’investissement des grands travaux (APIX) en société anonyme.

«Coup de Jarnac»

«Cette opération louche de mise en place d’une Zone spéciale, pilotée par l’ANOCI (NDRL : Agence nationale de l’organisation de la conférence islamique) reposait sur le principe de faire de l’APIX l’autorité de régulation de la Plate-forme et de (ZAFZA) l’opérateur privé de gestion», analyse Diène Farba Sarr. Il ajoute que «dès lors, il aurait suffi d’un décret présidentiel, si le chef de l’Etat l’avait voulu, pour intégrer la Plate-forme (de Diamniadio) dans la Zone (économique spéciale) et du coup contourner la disposition de la partie américaine qui consistait à choisir l’opérateur privé suite à un appel d’offres international, une condition essentielle avant de pouvoir disposer des fonds prévus dans le cadre du MCA».
Ainsi, «la privatisation surprenante et douteuse de l’APIX (…) avait pour objectif final de mettre à la disposition de JAFZA le projet originel de la Plate-forme» de Diamniadio managé à la grande satisfaction du Millenium challenge corporation (MCC). Ainsi, «devant (ce) coup de Jarnac», «le départ des Américains s’ensuivra peu de temps après à travers le séjour d’une mission de Washington pour clôturer le projet». Parce que, commente le conseiller d'alors en infrastructures du Premier ministre, Macky Sall, «le MCC, l’organe de gestion et de supervision du MCA n’a jamais toléré les tentatives incompréhensibles de substitution de la Zone économique spéciale à la Plate-forme par les autorités sénégalaises».

«Résidus du pactole»

M. Sarr dénonce ainsi une «attitude inadmissible» qui oblige Washington «à retirer le Sénégal du processus» et à remettre «à zéro» les compteurs de notre pays «après trois années de dur labeur». Et après le lobbying «par devoir» de l’ex-ministre des Affaires étrangères, Cheikh Tidiane Gadio et de l’ancien Ambassadeur du Sénégal au USA, Lamine Bâ, «la nouvelle équipe de Barack Obama (sera convaincue) pour la signature d’un Compact avec le Sénégal». Mais notre pays «ne pourra bénéficier, avec la Moldavie que des résidus du pactole». Et avec, pourtant, des conditions draconiennes imposées par la partie américaine comme l’annulation du projet «si les signes de dérapages en matière de corruption et de gaspillage économique persistaient comme ce fut le cas de Madagascar, du Niger et du Honduras».
Pour Diène Farba Sarr, «en dépit du rattrapage survenu après 18 mois d’hibernation, la perte provisoire de plus de 300 milliards de francs demeurera toujours une vérité constante et ne pouvait guère être dissimulée».

200 000 emplois à l’eau

Une chose est certaine, aux yeux du collaborateur de Macky Sall. Les 270 milliards de francs Cfa présentés par le président Abdoulaye Wade comme un trophée ne pourront être perçus «ni comme une prouesse ni comme une bonne nouvelle mais plutôt une immense perte qui restera à jamais gravée dans la mémoire des Sénégalais». Et ceci est, de l'avis de Diène Farba Sarr, le fait de «fossoyeurs conscients de l’économie nationale (…) (qui) fauchèrent cyniquement ce projet d’avenir (…) en brisant le rêve de toute une Nation». D’après l’auteur du livre «Macky Sall, un combat pour la République», ces «fossoyeurs» ont mis en avant leurs «intérêts égoïstes d’affairistes» pour entraîner «impérativement la perte de 200000 emplois permanents qui étaient prévus dans les vingt premières années de vie de la Plate-forme, la privation de la formation pour 45000 jeunes et d’une réserve naturelle de 270 hectares». Sans compter, poursuit le détracteur du pouvoir, les effets induits du projet qui étaient «le décongestionnement de la ville de Dakar, la maîtrise de l’inflation foncière, l’amélioration de la compétitivité du Port de Dakar, la potentialisation des effets de l’autoroute à péage, la lutte contre la meurtrière et insupportable émigration clandestine des jeunes Sénégalais». Accablant.

Où était Macky ?

Dans son ouvrage «Macky Sall, un combat pour la République », Diène Farba Sarr raconte, avec minutie, les péripéties qui ont fait perdre au Sénégal quelque 330 milliards de francs Cfa de don. Seulement, l’auteur omet (sciemment ?) de dire quelle a été la position de Macky Sall quand un «lobby influent» s’activait dans les coulisses pour torpiller un projet présenté par l’économiste principal du Millenium challenge corporation (MCC) comme l’«un des meilleurs projets jusque-là présentés par les pays et qui pourrait être un véritable coup de poing pour changer complètement le visage du Sénégal». Où était Macky Sall ? qu’a-t-il fait pour sauver le projet ? N’est-ce pas lui qui acquiesçait quand Wade soutenait n’avoir jamais cru au projet américain et qu’il préférait les Arabes ?
Autant de questions qui ne trouvent pas réponse dans l’ouvrage de Diène Farba Sarr qui s’est évertué à présenter Macky Sall comme «un homme vertueux et organisé», au «parcours sans faute», mais emporté par une «conspiration (qui) avait commencé à être discrètement tissée comme une toile d’araignée, depuis (la) victorieuse campagne présidentielle de 2007».



(article paru dans l'édition du 4 août du quotidien ENQUÊTE)