vendredi 9 juillet 2010

La vérité sur l’Affaire Sudatel selon Moubarak LÔ : Une fumée sur un voile déjà épais et aussi opaque



Monsieur LÔ,
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre contribution parue dans le journal Walfadrji du mercredi 7 juillet 2010, intitulée La vérité sur l’Affaire Sudatel. Je salue votre courage et votre pertinence. Le pouvoir central va certainement vous tirer des lauriers étant donné que vous volez, quelque part, à son secours en vous basant sur la rigueur intellectuelle qui sied en la matière, comme vous dites. C’est tout à votre honneur. Je ne dis pas que vous le défendez !
Cela dit, mon propos sera axé sur l’amalgame que pourrait apporter votre contribution qui, dans ma compréhension, cherche plutôt à expliquer pourquoi le Ministre de l’Economie et des Finances a raison plutôt que de dire la « vraie » vérité sur l’affaire Sudatel. L’affaire Sudatel, à notre humble avis, ne consiste plus aujourd’hui à savoir seulement si les 200 millions de dollars annoncés ont été versés conformément à l’accord dans les comptes du Trèsor Public, mais aussi et surtout de répondre à la question de savoir si la question des 20 milliards de FCFA de commissions révélée est avérée ou non et à qui profite-t-elle réellement ? A l’état actuel des choses, certainement pas au peuple sénégalais !
L’intitulé de votre contribution, que je qualifierai de bonne foi, est en effet très éloigné de son contenu. Le profane qui vous lit ou qui en entend le commentaire pourrait facilement conclure que tout ce qui se dit sur l’affaire Sudatel, notamment la fameuse question des 20 milliards de commissions, n’est donc pas vrai ! Or, dans votre texte, vous n’allez pas jusqu’à affirmer cela. Vous ne vous limitez seulement qu’à confirmer, j’allais dire plutôt qu’à prendre la défense du Ministre de l’Economie et des Finances Abdoulaye DIOP lorsqu’il affirme que Sudatel a réglé la totalité du prix de la licence … et que le Trésor Public a entièrement perçu les 200 millions de dollars… Plus loin, vous suggérez dans votre texte qu’il est donc plus que temps d’arrêter la désinformation concernant un éventuel détournement de destination des 200 millions de dollars de la Sudatel. Soit, encore que le citoyen a le droit d’exiger toute la lumière sur cette question.
Auparavant, vous dites dans votre lead que (…) Bara Tall a initié une pétition pour réclamer la vérité sur les 20 milliards de francs Cfa supposés avoir curieusement disparus lors de la transaction portant l’octroi d’une licence au groupe soudanais Sudatel.
Je n’écris pas pour défendre Bara Tall, que je ne connais que de nom, comme la majorité des Sénégalais. Je souscris et j’adhère d’ailleurs entièrement à sa démarche. J’ai plutôt envie de dire qu’en matière de communication notamment par rapport à des situations de crise comme celle-là l’analyse ou la relation des faits ne doivent souffrir d’aucune ambiguïté. En un mot, la transparence totale, au risque d’être traité de partie prix ou bien de voir la situation se retourner contre soi, lorsque la vérité éclatera !
Au regard de tout cela, j’estime qu’il y a un réel amalgame. Ce que je désignerai comme un effet d’annonce – Un titre vendeur, diraient les journalistes, une volonté manifeste de brouiller les pistes, diront d’autres -- se situe à ce niveau ; entre la comparaison de l’énoncé et du lead et le contenu du reste du texte. À notre avis, la question n’est pas de savoir si le Ministre de l’Economie et des Finances a dit vrai dans cette histoire – il a le devoir de le faire – il n’a pas intérêt à faire le contraire d’ailleurs, ni d’essayer de nous expliquer une perte de change ou non, que même nous les profanes en économie nous ne ferions pas. Vous avez si bien explicité cela d’ailleurs dans votre analyse.
Le fond du débat et du problème se situe au niveau de l’affirmation première qui parle de 20 milliards de commissions versées à des parties bien citées nommément et dont on ne nous a pas apporté jusqu’à présent un démenti catégorique avec des explications claires que la raison est en mesure d’entendre et de comprendre. On nous a annoncé le prix d’une licence négociée par une équipe, paraît-il en dehors des arcanes habituels, dont l’un est venu se glorifier des prouesses qu’ils ont effectuées, devant tous les Sénégalais, sous le « coaching éclairé du Président de la République », au cours d’un conseil des Ministres dont il ne fait pas partie.
J’estime donc que lorsqu’un problème survient entre temps, avec une accusation aussi grave, après justement l’annonce faite par Abdou Latif Coulibaly de la Gazette, nous pensons que le minimum voudrait que le même scénario soit utilisé pour expliquer les tenants et les aboutissants de « cette grave accusation », qui n’a pas été officiellement démentie jusqu’à présent. C’est là où se trouve le mérite de Bara Tall, qui, si je comprends très bien, ne demande pas si la totalité des 200 millions de dollars annoncés a été versée ou non, mais de savoir plutôt qu’en est-il des 20 milliards de F CFA de commissions dont on parle, à qui profitent-ils et pour quelle raison ? En un mot, la « VRAIE » VERITE SUR L’AFFAIRE SUDATEL qui englobe beaucoup de paramètres.
Je saluerai la pertinence de votre texte si vous aviez répondu aux questions suivantes :
• Pourquoi la licence ne nous est pas revenue au prix annoncé (vous avez brossé d’ailleurs cet aspect) ;
• Existe-t-il oui ou non une commission de 20 milliards de F CFA versée à des intermédiaires et à des officiels sénégalais lors de la transaction de cette licence ?
• Si oui, à qui profite cette commission et quelle suite sera donnée à cette affaire ?
• Sinon, pourquoi les autorités ne traduisent pas devant la justice ceux (ou celui) qui ont porté ces graves accusations ?
• Quels sont les vrais tenants et aboutissants de ce dossier ?
C’est la réponse à ces questions qui, je pense, correspondrait mieux à l’affirmation de votre titre La Vérité sur l’affaire Sudatel. Tout autre forme de commentaire qui n’apporte pas d’éléments de réponse à ce questionnement somme tout basique participerait plutôt à jeter de la fumée sur le voile déjà épais et aussi opaque de cette affaire Sudatel qui est loin encore de nous livrer la vérité. Nous sommes des Sénégalais, des sénégalais intellectuels, qui comprennent ce qui se passe ici et qui voyions ce qui se fait ailleurs dans de pareilles circonstances. Nous avons le devoir d’être du côté de la vérité pour SERVIR notre peuple et non des individus ou des clans. J’ai envie de terminer ma correspondance fraternelle – parce que j’apprécie ce que vous faites dans votre domaine et pour le pays – en vous invitant à réfléchir sur cette citation de Wangari MAATAHI, Première femme africaine Prix Nobel de la Paix , en 2004 qui disait : « Les personnes qui dirigent un pays où les populations sont, en grande partie, analphabètes et mal informées parviennent facilement à les instrumentaliser. Les chefs d’Etat africains doivent être honnêtes avec eux-mêmes et mener leur pays dans le droit chemin plutôt que d’exploiter l’ignorance de ceux qui leur sont aveuglément fidèles. »

Jean Paul Ndiaye
Dakar

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