vendredi 17 septembre 2010

GESTION DES APPELS INTERNATIONAUX ENTRANTS: L’Armp annule le contrat liant l’Artp à Grobal Voice

Le contrat entre l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (Artp) et la société Global Voice Group pour le contrôle des communications téléphoniques internationales entrantes au Sénégal est frappé de nullité. C’est l’Armp qui en a décidé ainsi hier dans une décision dans laquelle la faute de la Direction centrale des marchés publics (Dcmp) n’a pas été occultée.

Une semaine après la prise de la décision de suspension, l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) vient d’ordonner «l’annulation de la procédure relative à la conclusion du contrat dit de partenariat entre l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (Artp) et la société Global Voice Group S.a ayant pour objet l’assistance pour la mise en place d’un système de contrôle et de tarification des communications téléphoniques internationales entrantes au Sénégal». C’est ce qui ressort de la décision N°127/10/Armp/Crd du 15 septembre 2010 prise par le Comité de règlement des différends qui commission litiges sur la dénonciation de la Société nationale des Télécommunications (Sonatel). La raison de l’annulation du contrat vient du fait que «la qualification du projet de contrat entre l’Artp et la société Global Voice Group comme étant un contrat de Partenariat Public Privé est inexacte» parce qu’il «s’agit plutôt d’une délégation de service public». Et que dans ce cas, le régulateur «dit que la satisfaction des besoins de l’Artp pour le type de prestations envisagées doit faire l’objet d’un appel à la concurrence, conformément au Code des marchés publics». En ce qui concerne la Sonatel qui avait dénoncé le contrat auprès de l’Armp, celle-ci fait savoir que l’opérateur historique «n’est pas fondée à contester l’opportunité pour l’Artp de conclure un contrat pour la satisfaction de ses besoins relatifs aux prestations envisagées».
Les raisons qui ont poussé l’Armp à annuler le contrat de Global Voice trouvent leur explication dans le fait que cette convention n’entre pas dans les conditions prévues par l’article 76 du Code des marchés relatif aux «marchés par entente directe après avis de la Dcmp ». Mais «qu’il s’agit d’une convention de Partenariat Public -Privé (PPP) eu égard aux modalités de rémunération du futur cocontractant ». Et après explicité les articles 4.8 du Code des marchés publics, 10 nouveau de la loi n°65-51 du 19 juillet 1965 modifiée, portant Code des obligations de l’administration (Coa), 3 et 4 du décret n°2010-632 du 28 juin 2010 instituant un système de contrôle et de tarification des communications téléphoniques internationales entrant en République du Sénégal, l’Armp a conclu que «c’est à tort que la Dcmp a qualifié le projet de contrat de Partenariat Public- Privé ».

L’Artp agrée Gvg comme prestataire 10 jours après avoir saisi la Dcmp

Sur l’autorisation de conclure ce contrat par gré à gré donnée par la Dcmp à l’Artp, l’Armp la qualifie de «mal fondée et irrégulière » parce que l’organe de contrôle a priori des marchés publics n’est pas allé au-delà des déclarations de l’Artp. «La Dcmp n’a pas cru devoir vérifier cette information, alors que d’une part l’agrément de Global Voice Afrique S.A.R.L en qualité d’installateur d’équipements radioélectriques ne le distingue en rien des vingt- et une (21) autres sociétés d’ailleurs agréées pour la plupart bien avant Global Voice Afrique S.A.R.L dont l’agrément a été signé le 22 janvier 2010, donc après la saisine de la DCMP, et que d’autre part une vérification aurait pu permettre de constater l’existence d’autres sociétés évoluant dans le secteur ». Toutes choses qui font que l’Armp rappelle que «l’organisation d’une procédure d’appel à la concurrence sur la base d’un dossier d’appel d’offres (Dao) dans lequel sont arrêtés des critères de qualification des soumissionnaires et de conformité des offres, devrait normalement donner l’opportunité aux candidats éventuels de soumettre des propositions et, après évaluation, permettre d’établir que Gvg est la seule société capable de fournir les prestations sollicitées ».


Quand la Dcmp aiguillonne l’Arpt pour valider un gré à gré
Le contrat liant l’Artp à Global Voice connu du public en juin dernier est un processus qui a commencé par «par lettre n° 0082 Artp/Dg/Sg/Dsa/Dlog en date du 12 janvier 2010 », quand le régulateur du secteur des télécommunication «a saisi la Direction centrale des marchés publics (Dcmp) pour ‘’solliciter l’autorisation de souscrire un contrat de prestation de services par entente directe avec la société Global Voice Group portant sur une assistance pour la mise en place d’un système de contrôle et de tarification des appels internationaux entrants au Sénégal’’». L’Artp fondait sa requête , «d’une part sur les dispositions de l’article 76 (1a et 1b) du Code des marchés publics relatives à la sécurité nationale et d’autre part sur l’exclusivité de la solution détenue par Global Voice Group (GVG) qui l’a déjà implantée avec succès dans de nombreux pays». Et à l’appui de sa demande, Ndongo Diaw «a joint les termes de référence de la mission d’assistance, les justificatifs légaux et économiques de la requête, un projet de contrat et la liste des pays ayant acquis cette ‘’solution’’».
L’opération de charme de l’Artp n’a pas dans un premier temps fonctionné. En effet, dans sa lettre-réponse n°00010 Mef/Dcmp/Dsi du 15 janvier 2010, «la Dcmp rejette les moyens soulevés par l’Artp, récuse la qualification de marché public adoptée par l’Artp et déclare qu’en l’espèce, il s’agit d’une convention de Partenariat Public Privé, au regard des modalités de rémunération qui sont fonction des redevances perçues sur les usagers, parce que directement indexées sur le tarif international à travers une grille de répartition entre les opérateurs, l’Etat et Global Voice».
Mais au lieu de s’arrêter à cette analyse, les services de Maguette Kane Diop ont montré les voies du gré à gré à l’Artp. «La Dcmp a demandé à l’Artp de revoir l’argumentaire fondant la demande d’autorisation pour ‘’l’asseoir’’ sur les dispositions de l’article 80 du Code des marchés publics, puisque l’alinéa 5 dudit article traite des cas sur la base desquels l’autorité contractante peut recourir à l’entente directe », lit-on dans la décision de l’Artp. La Dcmp a, en outre, «rappelé à l’Artp les termes de l’alinéa 2 de l’article précité qui indique qu’un rapport d’opportunité lui est soumis concomitamment à la requête».
Forte de ces «conseils» pour le moins précieux de la Dcmp, l’Artp est revenue à la charge avec la lettre n°266 Artp/Dg/Sg/Dsa/Dlog du 2 février 2010 pour une «demande d’avis pour passer un contrat de partenariat par entente directe». Et cette fois, elle a annexé «à sa requête la décision d’agrément d’installateur d’équipements radioélectriques n°070018/Ag/In du 22 janvier 2010, signée au profit de Global Voice Afrique S.A.R.L.»
A cette nouvelle charge de l’Artp, par lettre n° 000484 Mef/Dcmp du 05 février 2010, la Dcmp fait observer à Ndongo Diaw que son «argumentaire qui a abouti à la conclusion que GVG est la seule source en mesure de fournir le service demandé pose problème» parce que fondé «sur le seul fait que seule l’ARTP est habilitée à agréer les installateurs d’équipements radioélectriques pour leur compte et pour des tiers et que GVG est la seule société nationale ou étrangère agréée par l’ARTP à posséder les compétences requises». En conclusion, la Dcmp, «d’une part retient qu’il ne ressort pas du dossier qu’une telle affirmation soit le résultat d’une démonstration soutenue par des données et des critères objectifs et, d’autre part, réclame la liste des entreprises agréées et la preuve que seule GVG dispose des compétences requises».
Mais parce qu’ayant déjà choisi Global Voice avant même la publication du décret instituant le contrôle des appels internationaux entrants, l’Artp, dans sa lettre n°395 Artp/Dg/Sg/Dsa/Dlog du 18 février 2010, fait observer à la Dcmp d’abord que «sur les 22 installateurs agréés au Sénégal, seule la société Global Voice présente une offre relative au contrôle du trafic téléphonique international, alors que tous les autres installateurs interviennent dans les domaines d’installation et de maintenance de réseau et systèmes de télécommunications, radiodiffusion ou télévision ou en matière informatique». L’Artp soutient, ensuite, que Gvg , «d’une part utilise une technologie ‘’basée’’ sur la capture en temps réel des Cdr en utilisant les routeurs Stp C7, qui permet de superviser le trafic à partir des données de signalisation des opérateurs sans affecter l’intégrité et la qualité de leur réseau, et d’autre part est la seule société à avoir installé le système de contrôle du trafic international dans plusieurs pays, notamment africains, en général victimes de fraude internationale en matière de trafic ».
Toujours pas satisfaite des explications fournies par l’Artp qui a même indiqué «qu’une recherche sur l’Internet avec le critère ‘’Contrôle du trafic international entrant’’ donne comme résultat une seule référence, celle de Gvg», la Dcmp, dans sa lettre n°00866/Mef/Dcmp du 02 mars 2010 a exigé qu’en sus de l’agrément signé au profit de Gvg, lui soit produite une attestation corroborant les informations y contenues.
C’est ainsi qu’au vu de l’attestation signée le 04 mars 2010 par le Directeur général de l’Artp, la Dcmp, par lettre n° 001010/Mef/Dcmp/6 du 11 mars 2010, «sur la base des informations reçues et en application de l’article 80 du décret n° 2007-545 du 25 avril 2007 portant code des marchés publics, ‘’confirme’’ son avis de non objection» et autorise le recours au gré à gré pour un contrat qui devrait rapporter 5 milliards de francs Cfa à partager entre le Sénégal et ses 12 millions d’habitants et Global Voice est des trois actionnaires qui bronzent sous le soleil de Miami au Etats unis.


Ce qui se cache derrière la décision de l’Armp

Si l’Armp a définitivement annulé le contrat liant l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (Artp) à Global Voice pour le contrôle des appels internationaux entrant au Sénégal, c’est parce que le ministre de l’Economie et des Finances n’avait pas ratifié ledit contrat. Selon une source au sein des Finances, «le ministre des Finances n’a pas approuvé le contre de Global Voice. Dès lors, il n’y a aucune conséquence pour le Sénégal. Le contrat est nul et personne ne peut réclamer aucun sous à qui que ce soit ». D’ailleurs, poursuit notre interlocuteur, «le ministre des Finances a été, dès le départ très sceptique sur ce contrat ». En effet, selon l’article 29 en son point 3, les marchés des établissements publics, agences et autres organismes sont approuvés par «le ministre chargé des Finances lorsque le montant du marché est égal ou supérieur à 150 millions de francs Cfa ». Or dans le cas du contrat de Global Voice, il est question de 5 milliards de francs Cfa par mois.
L’autre fait à souligner, c’est qu’aucune autorité ne peut parle de contrat de Global Voice car les décisions de l’Armp, en vertu de l’article 89 du Code des marchés, ne peuvent être attaquées que devant la Chambre administrative de la Cours suprême pour excès de pouvoir. En d’autres termes, si l’Artp n’est pas satisfaite, elle peut saisir cette chambre qui a hérité des attributions de l’ex Conseil d’ Etat.
Autre aspect de cette question, cette annulation ne concerne pas le décret n° 2010-632 du 28 mai 2010 instituant un système de contrôle et de tarification des communications téléphoniques internationales entrant au Sénégal. En effet, même si la Sonatel a également saisi la Cour suprême pour annuler ce texte, il reste que les tarifs indiqués par ce décret restent en vigueur. Et dans ce cas, avec ou sans Global Voice, comme l’avait dit Ndongo Diaw, Directeur général de l’Artp lors de sa dernière rencontre avec la presse, le régulateur peut procéder par estimation pour recouvrer les ressources prévues par ce contrôle.

samedi 4 septembre 2010

Quelques questions à Monsieur le Ministre d’État, Ministre de l’Économie et des Finances du Sénégal

C’est en sa qualité de gardien de nos finances publiques que le citoyen, le contribuable que je suis, a choisi de poser publiquement un certain nombre de questions à Monsieur le Ministre d’État, Ministre de l’Économie et des Finances. Je crois en avoir le droit, si je me réfère à la Constitution du 22 janvier 2001.
Je pars de la longue interview qu’il a accordée au quotidien « L’AS » du mercredi 17 février 2010 (pp. 6-7), pour lui poser mes questions.

Répondant à une question faisant état de rumeurs de plus en persistantes et selon lesquelles il serait actionnaire de SATTAR, il répond formellement : « Je sais que je ne suis pas actionnaire dans la société SATTAR, Dieu également sait que je n’en suis pas actionnaire. Allah Soubahanou wa taala est plus important que tout pour le croyant que je suis. Je le jure au nom d’Allah et sur son Sacré livre le Coran (Ndrl : il prend un exemplaire entier du Coran et jure dessus) que je ne suis pas actionnaire dans cette société de mon ami de cinquante ans. » Un peu plus loin dans son interview, le Ministre d’État répond aussi catégoriquement à une autre question faisant état d’autres rumeurs selon lesquelles il détiendrait des dossiers explosifs qui expliqueraient la crainte qu’il inspire. Voici la réponse : « C’est une hérésie totale. Le Chef de l’État est le garant de l’application des lois et règlements de ce pays. Je n’ai pas connaissance d’une transgression de sa part des lois et règlement en vigueur de ce pays. »
Même si je n’ai aucun préjugé sur l’homme, je serai le dernier des Sénégalais à le croire ici. C’est pourquoi je lui pose mes premières questions : Peut-il jurer, de la même manière qu’il l’a fait pour SATTAR, que cette affirmation est la stricte vérité ? Peut-il jurer que le Chef de l’État que nous avons quand même appris à connaître, n’a transgressé, à sa connaissance, aucune loi, aucun règlement en vigueur, tout au long du processus de la rocambolesque rénovation de l’avion de commandement ? Interrogé sur cette même affaire par l’hebdomadaire Jeune Afrique / L’intelligent n° 2225 du 31 août au 6 septembre 2003, le Chef de l’État répond, quant au montant du coût de l’opération, qu’il s’élevait à 17 milliards de francs Cfa. Abdou Latif Coulibaly lui, le situait à 31 milliards. Le Ministre d’État peut-il nous dire et le jurer sur le Saint Coran, quel est le montant réel du coût de cette opération ? Il ne s’agit point de secret d’État ici, mais bien de transparence dans la gestion des affaires publiques.
On raconte que c’est cette fameuse SATTAR, entreprise jumelle de l’alternance, qui aurait construit le rutilant siège du Pds, dans les mêmes conditions de financement que le monument dit de la Renaissance africaine. Si c’est le cas, le Ministre d’État ne devrait pas l’ignorer, puisque ce sont ses services, les Domaines et le Cadastre notamment, qui attribuent les parcelles. Je ne lui pose pas de questions sur cette affaire, ce texte risquant d’être long. Revenons donc à notre hebdomadaire Jeune Afrique / L’Intelligent !
Le président Wade y répond à une autre question relative au montant exact des compensations financières versées à la famille du juge Seye assassiné en mai 1993. Combien celle-ci a-t-elle perçu, lui a demandé le journaliste ? 200 millions, 400 millions, 600 millions de francs Cfa ? Voici la fameuse réponse : « Tout est clair. La famille Seye avait demandé 600 millions, ce qui était excessif, puis 400 millions, ce qui l’était encore. En définitive, l’État a transigé pour 250 millions qui ont été versés à la famille par l’agent judiciaire de l’État, contre décharge évidemment. » Et notre président blanc comme neige de poursuivre son explication de texte : « Dans ce type d’affaires (…), la demande initiale ne correspond jamais au chiffre finalement retenu. Il y a toujours négociation, puis transaction. »
Avant de poursuivre mes questions au Ministre d’État, je m’arrête quand même un peu sur cette réponse gravement compromettante du président Wade. Tout le monde sait que dans ce lâche assassinat de Me Seye, l’État n’était point en cause : les assassins ont été arrêtés et condamnés. Pourtant, on sent ici que le président Wade est pris à la gorge par la famille qui dicte ses conditions : 600, puis 400 millions. L’État a finalement transigé pour 250 millions. L’État qui transige comme un fraudeur pris la main dans le sac par les douaniers ! « Dans ce type d’affaires (…), affirme Me Wade, la demande initiale ne correspond jamais au chiffre finalement retenu. Il y a toujours négociation, puis transaction » ! Pourquoi négociation et transaction ? Nous comprenons mieux pourquoi les ignobles assassins de Me Seye ont été rapidement graciés. Nous comprenons mieux la précipitation avec laquelle la Loi dite Ezzan a été votée par les godillots de l’Assemblée nationale. Fermons cette parenthèse et revenons à notre Ministre d’État qui n’est pas directement concerné par cette douloureuse et nébuleuse affaire Me Seye !
Abdou Latif Coulibaly affirme que la famille Me Seye a perçu 600 millions. Un des fils du défunt juge qui parlait au nom de la famille avance 200 millions. Pour Me Wade, l’État a transigé pour 250 millions. Le Ministre peut-il nous donner le montant exact de la transaction et nous le jurer sur le Saint Coran ? L’Agent judiciaire de l’État est-il entré en action dès le début des négociations ? A-t-il pris le train en marche ? Est-il intervenu à la fin, quand l’affaire a éclaté au grand jour, pour régulariser après coup ? Ces questions n’ont rien de tabou et relèvent de la transparence, de la bonne gouvernance. Tout citoyen bien fondé à les poser au Ministre d’État.
Il y a une autre affaire qui comporte de nombreuses zones d’ombre et où le président de la République affichait (encore) sa disponibilité à transiger. Il s’agit de cette fameuse et rocambolesque affaire dite de Sénégal Pêche, que Sud quotidien du 16 mai 2 002 (pp. 1-8) avait révélée au grand jour. De quoi s’était-il agi ?
Dans sa livraison de ce jour, le quotidien faisait état d’un litige (redressement fiscal avec amendes et pénalités) de 5 milliards de francs Cfa entre le fisc et Sénégal Pêche, 5 milliards qui auraient été purement et simplement effacés à partir de la Présidence de la République du fait, disait-on, du Ministre d’État, Directeur de cabinet du président de la République (Idrissa Seck), du Conseiller fiscal d’alors du Chef de l’État (Abdoul Hamid Fall), du Secrétaire général de la Présidence (Abdoulaye Baldé). Tout est parti de deux lettres de demande de grâce : l’une adressée par les conseils de Sénégal Pêche au Ministre d’État Idrissa Seck le 31 mai 2001, l’autre par le Directeur général de l’entreprise au Président de la République, le 16 juin 2001. Le traitement de ces deux lettres par la présidence de la République a fait couler à l’époque beaucoup d’encre et de salive et comporte beaucoup de détails croustillants. Je ne peux malheureusement pas les passer tous en revue ici. Je renvoie le lecteur à ma contribution « Quel sacrifice l’ex-conseiller fiscal Hamid Fall a-t-il dû faire pour le président de la République ? », publiée alors au moins dans deux quotidiens de la place.
Ce que je retiens en particulier de ce traitement, ce sont les annotations du président de la République sur le texte du Conseiller fiscal qui recommandait la cessation des poursuites. Il concluait ses annotations en ces termes : « Au surplus, j’accepterai une transaction ». Le voilà qui s’engage encore à transiger, alors que cette affaire relève de la compétence des services du Ministère de l’Économie et des Finances !
En tous les cas, l’affaire sentait carrément le roussi. Dans une interview à Nouvel Horizon (n° 498 du 25 au novembre au 01 décembre 2005), le Secrétaire général Abdoulaye Balbé confirme cette affaire et reconnaît qu’« elle a été une parenthèse douloureuse dans (sa) carrière (…) et (l’a) fait vieillir d’une dizaine d’années ». Il y révèle en particulier que « la somme (les 5 milliards) a finalement été retrouvée par le trésor public ».
C’est là qu’intervient mon doute. Et si les 5 milliards avaient pris la clé des champs, comme les fameux fonds taïwanais ! Je reviens donc au Ministre d’État Diop pour lui demander de nous jurer sur le Saint Coran que cet argent a été bien retrouvé par le trésor public.
Avec la gouvernance meurtrie des Wade, je doute de tout, surtout depuis les révélations fracassantes du Premier ministre Idrissa Seck devant la Commission d’instruction de la Haute Cour de Justice, en ce mémorable 23 décembre 2005. Á une question sur l’origine des milliards qu’il affirmait avoir gérés dans le cadre des fonds spéciaux, il répondit sans fard qu’ils provenaient « des fonds diplomatiques et autres aides budgétaires que Me Wade ramenait de ses nombreux voyages ».
Ce doute me fait penser aux six milliards que le président de la République s’était empressé de « donner » au gouvernement sénégalais (communiqué du Conseil des Ministres du 5 janvier 2006), dès que le détournement des fonds taïwanais était sur la place publique. Six milliards ne peuvent quand même pas entrer dans le pays et y être dépensés dans des actions publiques, sans que le Ministre d’État et ses services soient au courant ! Notre ministre peut-il donc nous jurer que ce fameux « don » du très « généreux » président Wade, a bien franchi les frontières nationales ?
Le même doute me fait revenir à l’année 2001. On était à quelques encablures des élections législatives anticipées du 29 avril. Á l’époque, six milliards avaient migré de la Sonacos – elle n’était pas encore bradée – vers une destination jusqu’ici inconnue du contribuable. Interrogé sur le sort de ces six milliards, l’ancien Ministre délégué chargé du Budget (Aguibou Soumaré), répondait subrepticement que la Sonacos les a bien retrouvés. Le ministre d’État peut-il nous jurer sur le Coran que son collègue a raison ?
Je pouvais continuer de poser de nombreuses autres questions sur d’importantes sommes d’argent entrées au pays mais qui n’ont probablement jamais trouvé leur place naturelle : le trésor public. Si j’ai choisi d’interpeller le Ministre d’État, Ministre de l’Économie et des Finances, c’est que lui et ses services gardent imperturbablement le silence, face aux multiples zones d’ombres qui caractérisent l’immonde gouvernance des Wade. Je ne leur demande pas de mettre sur la place publique des secrets d’État. Ce que j’attends d’eux en tant que contribuable, c’est qu’ils nous éclairent sur la manière dont nos maigres deniers publics sont gérés. Ce n’est quand même pas trop leur demander !


MODY NIANG, e-mail : modyniang@arc.sn