mercredi 6 juillet 2011

Réponse d’un citoyen à Karim Wade


Votre lettre à la Nation ressemble plus à une rentrée politique qu’à un message sincère adressé aux Sénégalais. Aussi bien dans son contenu que dans sa forme, elle renseigne, à degré suffisant, votre intention réelle. Vos services de communication nous semblent être aussi médiocres que leur patron en question. Et comme disait l’autre, quand un pouvoir sombre dans la déchéance, tout acte qu’il pose se retourne contre lui et l’enfonce davantage.
Première faute : moins de 15% des Sénégalais utilisent régulièrement et correctement l’Internet, donc ce moyen de communication est inapproprié pour une large diffusion de votre message. La télévision et la radio étaient mieux indiquées pour faire passer effectivement votre campagne de martyr. Cependant on vous comprend, car non seulement vous ne maîtrisez pas le wolof, mais aussi vos yeux risquaient de trahir vos vraies motivations et votre culpabilité dans tous les problèmes que nous rencontrons actuellement.

Deuxième faute : ce n’est pas à vous de vous adresser au peuple sénégalais, compte tenu de la situation grave qui sévit dans le pays actuellement, mais c’est bien au chef de l’Etat de le faire. A ce qu’on sache vous n’êtes encore qu’un super ministre de la République et pas encore notre Président.
Troisième faute : vous vous sentez érigé en bouc-émissaire à chaque fois que des difficultés surviennent dans ce pays. Et bien, la raison est très simple monsieur le ministre. Déjà en voulant vous adresser aux Sénégalais, vous vous mettez dans une posture de d’homme providentiel pour la République, au moment où il y a encore un chef d’Etat dans ce pays, un Premier ministre et un ministre de l’Intérieur. Si vous acceptez de prendre en charge les portefeuilles ministériels des Infrastructures, de la Coopération internationale, celui des Transports aériens, de l’Aménagement du territoire, de l’Energie, ne soyez pas surpris d’être, indexé, ipso facto, quand un quelconque problème survient sur l’étendue du territoire national. Votre «expertise» est directement sollicitée, car vos responsabilités sont démesurées. D’autant que vous gérez officieusement le ministère des Affaires étrangères et dernièrement vous avez snobé et ignoré maître Ousmane Ngom en demandant l’intervention de l’Armée française lors des évènements du 23 juin, alors que vous l’aviez expressément expulsée du territoire sénégalais comme un vieux démon.

Quatrième faute : on vous cite : «Je suis l’homme le plus détesté du Sénégal.» Si vous pensez que l’on vous déteste autant, de grâce rendez votre tablier et démissionnez de toutes les charges et responsabilités publiques. Vous avez l’impression d’être vomi par la majorité des Sénégalais parce que vous avez accepté que votre père injure un peuple tout entier en jurant que son fils est l’homme le plus intelligent du Sénégal.

Vous n’êtes pas sans savoir que dans les pays qui se respectent par leur démocratie et que vous avez cités, Etats Unis, Angleterre, France ; dans ces pays-là, quand un ministre est jugé responsable d’une quelconque faute de gestion, il démissionne automatiquement, a fortiori vous qui pensez être à l’origine de toutes nos difficultés. On ne vous l’a pas fait dire.

Soyez courageux monsieur Wade, prenez vos entières responsabilités et mettez-vous à l’écart de la gestion des affaires publiques de ce pays.

Cinquième faute : Si vous pensez à travers cette sortie, gagner un peu plus d’estime des Sénégalais encore réticents à votre égard, c’est parce que vous ignorez la psychologie sénégalaise. Certes nous réfutons l’injustice et les martyrs sont toujours les bienvenus dans ce pays. Malheureusement votre personnage est l’incarnation ostensible de l’injustice vis-à-vis des autres fils de ce pays qu’on a souvent écartés et méprisés à votre profit.

Votre énième tentative de coup de com est une grande méprise, car elle n’est pas sincère et les Sénégalais sont assez intelligents pour en décortiquer toutes ses subtilités et ses vrais desseins.
Si vos conseillers pensent vous aider en réussissant à gagner le pari de vous propulser à la Une de tous les journaux de ce lundi passé, cependant ils ignorent qu’il y a des analystes et spécialistes sénégalais capables de faire une lecture intelligente et approfondie de vos ambitions ina¬vouées. Et croyez nous, cette lettre ne fera que vous enfoncer d’avantage. Même si, au même moment le magazine Jeune Afrique, vient parallèlement, à votre secours, en vous mettant à sa Une, nous connaissons bien comment fonctionne cette société familiale et vos liens personnels avec Marwane Ben Yahmed.
Vous avez évoqué la date historique du 23 juin mais pas de manière intelligente. D’abord vous en parlez dix jours après. Ensuite cette date vous semble importante après que vous avez montré une arrogance inouïe aux Sénégalais chez Serigne Mbacké Ndiaye, ignorant parfaitement que les évènements du 27 sont le prolongement logique de ceux du 23.
A travers ce message, nous voyons un courtisan d’estime aux abois, nous voyons un marchand d’illusions, un affairiste en banqueroute. Nous lisons à travers ces lignes une déclaration de candidature à la prochaine élection. C’est une opération de charme, d’un futur perdant, de très mauvais goût. Votre sortie est une bombe à retardement.
Dans votre message, vous avez, sans le savoir, fait montre d’un narcissisme et d’une suffisance à votre personne. Vous vous êtes élevé à un niveau d’importance sans égal, par moments, en invoquant une fausse modestie qui en dit long sur votre personnalité. En voulant montrer votre amour pour le Sénégal, vous avez abaissé ses populations en un bas peuple.
Ce que vous devriez faire actuellement, si comme vous le prétendez, vous aimez le Sénégal, c’est convoquer une conférence de presse pour démissionner de toutes vos charges et responsabilités étatiques. Ensuite si vous croyez à la démocratie et au sens de la République, si vous aimez le Sénégal, dites à votre père qu’il y a une vie après le Palais. Demandez-lui à son tour et de manière solennelle de renoncer à sa candidature en 2012.
Si vous ne le faites pas, tout ce que vous entreprendrez d’autre publiquement sera considéré comme une nouvelle tentative de ruse pour détourner le vœu des Sénégalais qui vous ont déjà assez montré, dans leur majorité, pas une haine, comme vous le prétendez, mais un rejet tout simplement. Faîtes le pendant qu’il est encore temps. Sinon vous aurez une grande responsabilité devant l’histoire, sur tout ce qui pourrait arriver à notre cher Sénégal d’ici 2012.

Moctar BA
Citoyen, Etudiant en sciences. Po
(Le Quotidien, du Mercredi 06 Juillet 2011)

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