lundi 11 juillet 2011

DESTRUCTURATION DE L’ECONOMIE SENEGALAISE/ Un facteur nommé Karim Wade


De président du Conseil de surveillance de l’Agence nationale de l’organisation de la conférence islamique (ANOCI) à super ministre d’Etat (Coopération internationale, Transports aériens, Infrastructures et Energie), Karim Wade a pesé énormément sur l’économie sénégalaise. Et pour prendre à défaut ses détracteurs, Karim Wade, «comme tout être humain, demande à être entendu, jugé sur des actes vérifiés et donc probants et non sur des rumeurs sans fondement».

Un texte de lamentations pour dire aux Sénégalais, que la presse et certains segments du pays l’ont «sanctionné sans être entendu, jugé dans des procès sans défense (et) ‘condamné’ sans recours possible». Voilà en substance ce qu’a servi à l’opinion Karim Wade (dont on ne sait à quelque titre il parlait) après les événements des 23 et 27 juin. Il se dit être «la cible d’attaques profondément injustes» de la part d’«une partie des acteurs politiques aidée en cela par certains journalistes, - véritables machines de guerre contre ma petite personne». Et pour prendre à défaut ses détracteurs, Karim Wade, «comme tout être humain, demande à être entendu, jugé sur des actes vérifiés et donc probants et non sur des rumeurs sans fondement». EnQuête a interrogé les faits économiques liés aux «actes» posés par celui que son père et chef de l'Etat présente comme «le plus intelligent» au point de lui confié quatre grand département réunis en un.

A l’origine des dépenses extrabudgétaires

«Jamais dans l'histoire du Sénégal, un homme public n’a reçu, autant de coups, de propos diffamatoires et outrageants», dit Karim Wade. Il oublie aussi que jamais dans l’histoire du Sénégal, un homme public n'a concentré autant de ressources entre ses mains pour des résultats douteux, du moins très discutables. En effet, «depuis (son) entrée dans l’espace public en qualité de Conseiller spécial du président de la République, puis de président du Conseil de surveillance de l’Agence nationale de l’organisation de la conférence islamique (ANOCI) et actuellement comme ministre d’Etat, ministre de la Coopération internationale, des Transports aériens, des Infrastructures et de l’Energie», le système économique sénégalais est en constant dérèglement.

Les mécomptes de l'Anoci

Le Sénégal dont la croissance économique moyenne oscillait entre 5 et 6% a accusé le coup depuis l'entrée en scène de celui qui concentre sous sa coupe 5000 agents, 2 ministres délégués et 3 Directeurs de cabinet, selon sa dernière livraison «Jeune Afrique». En 2005, les chantiers de l’Anoci sont venus en effet tout remettre en cause. D’ailleurs, Sogué Diarisso, ex-Directeur de la prévision et des études économiques (Dpee) l’expliquait assez bien dans une interview accordée à nos confrères de «Kotch» en avril 2010. «Si vous me demandez ce qu’était l’état de l’économie en 2005, je serais beaucoup plus à l’aise pour le dire. En 2005, le Sénégal avait le meilleur cadre macroéconomique en Afrique subsaharienne. Et c’était dans les rapports officiels de la Banque mondiale. (…) A partir de 2005, avec l’allègement de la dette multilatérale, la quasi-totalité de la dette extérieure était annulée. On s’est lancé dans des plans dispendieux au moment où il ne fallait pas», disait l’économiste. M. Diarisso citait justement l’Anoci duo Karim Wade-Abdoulaye Baldé. «Il y a les chantiers de l’ANOCI (avec) les sommes faramineuses (dépensées) pour un petit pays comme le Sénégal. Que voulez-vous ? L’économie va s’en ressentir». Et la conséquence sur l’économie, c’est la ponction des crédits de tous les ministères pour faire face aux travaux dont le président Wade disait pourtant qu’ils seraient «financés par des dons». Ce qui donna naissance à des dépenses extrabudgétaires qui reste encore à être totalement apurés, une perte de croissance due en partie à la morosité de l’activité Btp. Le privé national dans ce secteur a été chahuté et préféré aux étrangers. Bara Tall et ses 3000 travailleurs sont là pour en témoigner.

Le Km de route à 5 milliards

Le bilan indépendant des chantiers de l’Anoci est toujours attendu. Mais en espérant que les corps de contrôle comme la Cours des comptes le fassent, le journaliste Abdou Latif Coulibaly en a dressé les «Contes et mécomptes de l’Anoci», dans un document d'enquête qui fit mouche. C’est ainsi que le confrère découvre que les appels d’offres ont été une «mascarade» réglée comme papier à musique à la présidence de la République. Que le km de route a coûté plus de 5 milliards de francs Cfa, sans doute l'un des bitumes les plus chers au monde après le Japon situé en zone sismique.
Nommé ministre d’Etat aux multiples portefeuilles dont celui des Transports aériens en mai 2009, Karim Wade, devant la faillite d’Air Sénégal international (Asi) et la détresse des travailleurs, promettait une nouvelle compagnie avant la fin de l’année. Au finish, les Sénégalais ont attendu 18 mois pour voir les ailes de Sénégal Airlines se déployer. Et de quelle manière ? D’abord, dans le capital de 17 milliards de francs Cfa, l’Etat y détient 34% représentant en fait les droits de trafic évalués à plus de 60 milliards de francs Cfa.
En outre, le déploiement de Sénégal Airlines s’est fait au détriment d'autres compagnies dont 47% des vols hebdomadaires en direction de Dakar ont été réduits. Sn Brussels passe de 7 à 3 vols par semaine, Air Europa (de 3 à 1 vol par semaine), Tap Air Portugal (7 à 3 vols par semaine), Royal air Maroc (de 14 à 3 vols par semaine), Iberia (de 7 à 4 vols par semaine), South African Airways (de 21 à 14 vols par semaine). «Inexorablement (cela va) entraîner des pertes massives d’emplois dans le secteur aéroportuaire», s'écriait en avril dernier le syndicat des travailleurs du secteur (Suttaaas). Ses responsables ont dénoncé des renégociations des droits de trafics «sans tenir compte des centaines d’emplois crées par les sociétés d’assistance (Shs, Ahs, Senca, Dakar-catering, Abs et sociétés de contrôle documentaires…) dans le but de protéger les intérêts d’un seul opérateur Sénégal Airlines». Une préférence nationale qui tue des nationaux !

Plan Takkal, un gouffre financier sans lumière
La dernière trouvaille de Wade-fils est comme les précédentes, coûteuse pour le contribuable sénégalais avec très peu d’effets : son plan de relance de secteur de l'énergie. La Loi de finances rectificative (Lrf) de 2011 dit que le Plan Takkal est alimenté principalement à partir du Fonds spécial de soutien du secteur de l’énergie (FSE) qui «bénéficiera de crédits de 210,1 milliards de francs Cfa» sur les 650 milliards nécessaires. Et dans la dernière livraison «Ja», Karim Wade clame avoir «d’ores et déjà financé 90%» du Plan Takkal, soit 464 milliards de francs Cfa. Il faut cependant dire que pour les 210 milliards, ce sont tous les budgets des autres ministères, comme pour l’Anoci, ont fait l’objet de ponction. Ce qui, sans conteste, aura un fort impact sur tous les projets et marchés des autres ministères. D’ailleurs, les bailleurs de fonds comme l’Union européenne, le Fonds monétaire international et les Etats Unis n’ont pas manqué d’exprimer des réserves sur ces ponctions qui finissent pas durablement impacté sur l’éradication de la lutte contre la pauvreté.
Toujours dans le secteur de l’énergie, les premières mesures consistant à faire le diagnostic ont jeté le trouble. Les 6 cabinets (choisis sans appel d’offres) qui ont participé à l’audit du secteur de l’énergie, ont été rémunérés à hauteur de 1,418 milliards. Ce sont peut-être les audits les plus chers jamais réalisés au Sénégal.
Ministre des Infrastructures, Karim Wade, pour son premier passage à l’Assemblée nationale pour le vote du budget de son ministère, avait promis aux banlieusards de Pikine et Guédiawaye une «opération zéro nid-de-poule». Mais c’est plutôt l’effet «mille nids-de-poule » que les populations ont eu droit. En effet, en dehors des grands axes (Corniche, Vnd, autoroute, boulevards et avenies), rares sont les routes où les nids-de-poule et les crevasses ne constituent pas aujourd’hui le décor.

Bachir FOFANA

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