mercredi 25 août 2010

PAR MOUSSA TINE: Non, Me WADE ne peut pas être candidat !


Au sortir d’une réunion consacrée au pèlerinage 2012 le premier Ministre s’est prononcé sur le débat sur la possibilité pour l’actuel Président Monsieur Abdoulaye Wade de se représenter à la prochaine élection présidentielle. Interrogé moi-même sur cela, je répondais qu’il devait lire d’abord la constitution avant de réagir.
Effectivement la plupart des hommes politiques qui jusque là se sont prononcés sur la question, n’ont pas pris la peine de lire et d’analyser les dispositions sur lesquels s’appuie l’argumentaire.
Je suis bien entendu heureux que sur ce point, les extraits de la conférence de presse de Monsieur Wade du 1er avril 2010 publiés ce dimanche corroborent parfaitement mes propos.
En tous les cas, le premier ministre est revenu à la charge pour tenter de justifier à nouveau une candidature du Président de la République en 2012. Cette fois le texte est signé de « Me Souleymane Ndéné Ndiaye, membre du Comité directeur du PDS ». Je me permets, en conséquence, de rappeler la position qui est la mienne.
Effectivement, Me Abdoulaye Wade est élu Président de la République du Sénégal le 19 Mars 2000 et il prête serment et prend fonction le 1er avril de la même année. En janvier 2001 le Sénégal se dote d’une nouvelle constitution qui fixe en son article 27 la durée du mandat du président de la République à cinq ans, renouvelable une seule fois.
La thèse des partisans de la candidature du chef de l’Etat disent à peu près ceci : « puisque la limitation constitutionnelle des mandats du président de la République est intervenue bien après son élection, le premier mandat obtenu ne devrait être décompté. En effet « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif ». On ne peut donc pas valablement appliquer une loi à des actes ou des faits juridiques qui se sont passés antérieurement au moment où elle a acquis force obligatoire ».
S’il fallait s’en limiter là, les tenants de la thèse de la possibilité de se représenter (jusque là uniquement des responsables politiques du PDS et de l’AST) aurait parfaitement raison. Toute leur argumentation reposerait sur le fait que la loi ne peut régir que l’avenir, jamais le passé.
Mais il faut leur rappeler plusieurs choses :
- D’abord, sur le plan des principes, il faut rappeler que le principe de la non rétro activité des lois connait plusieurs exceptions. En effet, le principe peut être parfois écarté par la loi ; d’ailleurs les jeunes de l’UJTL le rappelaient avec raison la première fois qu’une instance du PDS s’est prononcée sur ce débat (alors que je venais d’en parler lors d’une émission radiophonique). Ce sont généralement les dispositions transitoires qui règlementent explicitement le passage d’une loi ancienne à une loi nouvelle et déterminent concrètement les effets juridiques de la loi nouvelle. Elles définissent en particulier dans quelle mesure la loi nouvelle s’applique à des situations nées avant son entrée en vigueur
- Plus spécifiquement, dans notre cas, la constitution dans ses dispositions transitoires et notamment en son article 104 prévoit : « Le président de la République en fonction poursuit son mandat jusqu’à son terme. Toutes les autres dispositions de la présente Constitution lui sont applicables. »
Si le constituant de 2001 dans notre espèce entendait faire valoir le principe de la non rétroactivité nul n’aurait été besoin de mettre l’article 104. Cet article aurait été superfétatoire. Pourquoi mettre un article, de surcroit dans les dispositions transitoires pour énoncer une disposition qui est naturellement de principe ?
A la vérité cet article organise une exception au principe de la non rétroactivité des lois sauf pour ce qui concerne la durée du mandat du Président de la République. En effet s’il n’y avait pas la première phrase de l’article 104 le Président de la République aurait fini, comme il s’y était du reste engagé, son premier mandat en 2005 au lieu de 2007. En effet, l’article 104 doit être compris comme signifiant que toutes les dispositions de la constitution de 2001 rétroagissent sauf celles relatives à la durée de son premier mandat. En supposant qu’il y ait un problème d’interprétation, les juristes s’appuient, pour s’en sortir, sur des techniques d’interprétation et entre autres méthodes, procèdent à un exercice d’exégèse du texte. Il s’agit par cette technique de pénétrer le texte dans son esprit en s’employant à rechercher la volonté du législateur ; d’où l’importance des travaux préparatoires.
Or, parmi ceux qui ont écrit les dispositions de la Constitution, il ya le Pr. Demba SY de l’UCAD, qui s’est exprimé et dont le propos va en gros dans le même sens que le nôtre, ainsi que celui de M. Mahamadou Mounir SY dans le journal L’AS des Samedi 21 et Dimanche 22 Aout 2010. Des esprits malveillants pourront toujours pour des raisons strictement politiciennes et pour justifier des stratégies partisanes remettre en cause de tels propos notamment ceux du Professeur Pape Demba Sy, par ailleurs Secrétaire Général de parti politique et membre de BENNO SIGGUIL SENEGAL.
Mais qui mieux que le Président de la République qui a inspiré et initié la constitution de 2001 peut renseigner sur la volonté du constituant ? Qui mieux que lui peut donner la bonne interprétation de l’article 104 de la constitution ? Or, Monsieur WADE, lui-même interrogé lors de la fameuse conférence de presse qu’il a tenue le 1er Mars 2007, sur sa candidature pour l’élection présidentielle de 2012, a répondu sans ambages que de toute façon la constitution ne le lui permettait pas. Cette déclaration en droit, a une valeur juridique que personne ne peut contester.
Alors le débat peut continuer pour les gens qui cherchent à prouver une certaine loyauté à Monsieur Wade, lui qui se plaint souvent de ne pas être assez défendu par les responsables de son camp… Mais le fait demeure que la candidature de Wade en 2012, qui est déjà une forme d’offense aux sénégalais, est juridiquement irrecevable.

MOUSSA TINE
Président de l’Alliance Démocratique/ Pencoo

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