vendredi 5 août 2011

MILLENIUM CHALLENGE ACCOUNT (MCA): Comment le Sénégal a perdu 330 milliards de don


Quand un homme du sérail déballe, ça fait souvent désordre. Dans son ouvrage «Macky Sall, un combat pour la République», Diène Farba Sarr explique comment le régime wadien a fait perdre au Sénégal 330 milliards de francs Cfa de don américain. Notamment dans le cadre de la première approche du Millenium challenge account(MCA).

Alchimie wadienne dans toute sa splendeur. Refuser un don de 600 milliards FCfa pour n'en accepter que moins de 300 ; c'est la prouesse réussie par le régime de l'alternance. En effet, de 600 milliards de francs Cfa dans le premier projet piloté par l’Agence de mise en œuvre de la plate-forme du millénaire de Diamniadio (AMPMD) en 2007, le Sénégal s’est finalement retrouvé avec une enveloppe de 270 milliards de francs Cfa en 2010 dans le cadre du Millenium challenge account (MCA). Soit une perte sèche de 330 milliards de francs Cfa. Diène Farba Sarr, ancien Conseiller spécial du Premier ministre Macky Sall, met cette curieuse arithmétique sur le compte de la volonté d’un «certain lobby influent sur les décisions de l’Etat» de se substituer au principe de transparence dans les procédures d’appel d’offres voulues par l’administration américaine.
En effet, dans son ouvrage «Macky Sall, un combat pour la République», présenté en juillet dernier, l’auteur s’indigne de la faiblesse de l’enveloppe des 270 milliards que le président Wade, en septembre 2010, présentait comme «une bonne nouvelle». M. Sarr, lui, se focalise aujourd'hui sur la perte de 330 milliards.

«Lobby influent»

D'après l'écrivain, «la seule condition préalable, posée par les autorités américaines pour disposer de cette manne financière, était l’administration de la Plate-forme (de Diamniadio) par un opérateur privé, choisi suite à un appel d’offres international, plus conforme aux règles qui déterminent la gestion des fonds publics aux USA». Mais «la procédure était très contraignante pour un certain lobby influent sur les décisions de l’Etat». Et pendant ce temps, le pouvoir de Wade «négociait déjà le même projet avec les arabes qui devaient investir à travers le JAFZA pour environ 400 milliards de francs Cfa sous forme de prêt destiné à financer une Zone économique spéciale d’une aire de 10 000 ha délimitée entre autres par la Plate-forme (de Diamniadio)», révèle M. Sarr.
«Ce lobby influent» est parvenu à saper le financement américain le 15 février 2007, «en pleine campagne électorale (pour la présidentielle), lorsque le gouvernement fera voter en catimini par 16 députés, parmi les 120 que comptait la dixième législature, deux textes de loi bien singuliers». Ces deux textes «adoptés en définitive par 10 députés seulement», portaient sur la création de la Jebel Ali free zone autority (JAFZA) et le passage de l’Agence pour la promotion de l’investissement des grands travaux (APIX) en société anonyme.

«Coup de Jarnac»

«Cette opération louche de mise en place d’une Zone spéciale, pilotée par l’ANOCI (NDRL : Agence nationale de l’organisation de la conférence islamique) reposait sur le principe de faire de l’APIX l’autorité de régulation de la Plate-forme et de (ZAFZA) l’opérateur privé de gestion», analyse Diène Farba Sarr. Il ajoute que «dès lors, il aurait suffi d’un décret présidentiel, si le chef de l’Etat l’avait voulu, pour intégrer la Plate-forme (de Diamniadio) dans la Zone (économique spéciale) et du coup contourner la disposition de la partie américaine qui consistait à choisir l’opérateur privé suite à un appel d’offres international, une condition essentielle avant de pouvoir disposer des fonds prévus dans le cadre du MCA».
Ainsi, «la privatisation surprenante et douteuse de l’APIX (…) avait pour objectif final de mettre à la disposition de JAFZA le projet originel de la Plate-forme» de Diamniadio managé à la grande satisfaction du Millenium challenge corporation (MCC). Ainsi, «devant (ce) coup de Jarnac», «le départ des Américains s’ensuivra peu de temps après à travers le séjour d’une mission de Washington pour clôturer le projet». Parce que, commente le conseiller d'alors en infrastructures du Premier ministre, Macky Sall, «le MCC, l’organe de gestion et de supervision du MCA n’a jamais toléré les tentatives incompréhensibles de substitution de la Zone économique spéciale à la Plate-forme par les autorités sénégalaises».

«Résidus du pactole»

M. Sarr dénonce ainsi une «attitude inadmissible» qui oblige Washington «à retirer le Sénégal du processus» et à remettre «à zéro» les compteurs de notre pays «après trois années de dur labeur». Et après le lobbying «par devoir» de l’ex-ministre des Affaires étrangères, Cheikh Tidiane Gadio et de l’ancien Ambassadeur du Sénégal au USA, Lamine Bâ, «la nouvelle équipe de Barack Obama (sera convaincue) pour la signature d’un Compact avec le Sénégal». Mais notre pays «ne pourra bénéficier, avec la Moldavie que des résidus du pactole». Et avec, pourtant, des conditions draconiennes imposées par la partie américaine comme l’annulation du projet «si les signes de dérapages en matière de corruption et de gaspillage économique persistaient comme ce fut le cas de Madagascar, du Niger et du Honduras».
Pour Diène Farba Sarr, «en dépit du rattrapage survenu après 18 mois d’hibernation, la perte provisoire de plus de 300 milliards de francs demeurera toujours une vérité constante et ne pouvait guère être dissimulée».

200 000 emplois à l’eau

Une chose est certaine, aux yeux du collaborateur de Macky Sall. Les 270 milliards de francs Cfa présentés par le président Abdoulaye Wade comme un trophée ne pourront être perçus «ni comme une prouesse ni comme une bonne nouvelle mais plutôt une immense perte qui restera à jamais gravée dans la mémoire des Sénégalais». Et ceci est, de l'avis de Diène Farba Sarr, le fait de «fossoyeurs conscients de l’économie nationale (…) (qui) fauchèrent cyniquement ce projet d’avenir (…) en brisant le rêve de toute une Nation». D’après l’auteur du livre «Macky Sall, un combat pour la République», ces «fossoyeurs» ont mis en avant leurs «intérêts égoïstes d’affairistes» pour entraîner «impérativement la perte de 200000 emplois permanents qui étaient prévus dans les vingt premières années de vie de la Plate-forme, la privation de la formation pour 45000 jeunes et d’une réserve naturelle de 270 hectares». Sans compter, poursuit le détracteur du pouvoir, les effets induits du projet qui étaient «le décongestionnement de la ville de Dakar, la maîtrise de l’inflation foncière, l’amélioration de la compétitivité du Port de Dakar, la potentialisation des effets de l’autoroute à péage, la lutte contre la meurtrière et insupportable émigration clandestine des jeunes Sénégalais». Accablant.

Où était Macky ?

Dans son ouvrage «Macky Sall, un combat pour la République », Diène Farba Sarr raconte, avec minutie, les péripéties qui ont fait perdre au Sénégal quelque 330 milliards de francs Cfa de don. Seulement, l’auteur omet (sciemment ?) de dire quelle a été la position de Macky Sall quand un «lobby influent» s’activait dans les coulisses pour torpiller un projet présenté par l’économiste principal du Millenium challenge corporation (MCC) comme l’«un des meilleurs projets jusque-là présentés par les pays et qui pourrait être un véritable coup de poing pour changer complètement le visage du Sénégal». Où était Macky Sall ? qu’a-t-il fait pour sauver le projet ? N’est-ce pas lui qui acquiesçait quand Wade soutenait n’avoir jamais cru au projet américain et qu’il préférait les Arabes ?
Autant de questions qui ne trouvent pas réponse dans l’ouvrage de Diène Farba Sarr qui s’est évertué à présenter Macky Sall comme «un homme vertueux et organisé», au «parcours sans faute», mais emporté par une «conspiration (qui) avait commencé à être discrètement tissée comme une toile d’araignée, depuis (la) victorieuse campagne présidentielle de 2007».



(article paru dans l'édition du 4 août du quotidien ENQUÊTE)

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