lundi 28 juin 2010

LECTURE D’UN REMANIEMENT : Wade tisse lentement mais sûrement sa toile... autour de la dépendance de l’argent


Le président Wade a procédé, comme du reste l’avait annoncé la presse- ce qui témoigne que malgré les sermons, les secrets ne sont pas bien gardés au Palais-, à un remaniement de son gouvernement. Les premiers constats font ressortir deux (2) limogeages, huit (8) nouvelles têtes et trois (3) retours ou has been. Ce qui porte le nombre de ministres à quarante et un (41), dont quatorze (14) ont la dignité de ministre d’Etat. Si on y ajoute le saucissonnage de certains départements, cela donne un gouvernement qui n’est ni politique, ni électoral et qui ne prend en compte aucunement les intérêts du Parti démocratique sénégalais (Pds), ni ceux de la majorité présidentielle. Les aspirations des populations en proie en toutes sortes de difficultés, n’en parlons même pas, parce que c’est le cadet des soucis de Wade

Ce gouvernement, sans en donner l’air, est fait pour ne servir que les intérêts de Wade fils dont les accusations de vouloir succéder à son père se précisent de jour en jour. Même si, il faut le reconnaitre, Karim Wade ne s’est jamais prononcé clairement sur ce sujet. En a-t-il vraiment besoin du moment que les actes parlent à sa place ? La stratégie de Me Abdoulaye Wade pour arriver à ses fins est se décline en trois (3) actes. C’est ce que nous allons tenter d’expliquer en prenant exemple sur nous.

Je nomme Bachir Fofana Ministre, ses parents ainsi que les gens de son village ou de son quartier, ses camarades de promotion et autres connaissances sont tous contents, parce qu’au-delà de la promotion sociale de Bachir, ce sont tous les autres qui entrevoient des portes de sortie de crise, parce que leur parent, leur connaissance, leur dëkandoo (voisin), etc. est devenu Ministre. Bachir va, entre temps, faire nommer certains de ses proches comme directeurs, conseillers, trouver du travail pour d’autres, etc. Personne, parmi ces gens, ne souhaitera que Bachir tombe et par conséquent, que le Président tombe. Et pour que cela n’arrive pas, il fat voter Wade. Premier acte !

Je dégomme Bachir, pour faire la promotion d’un autre - avec le même raisonnement expliqué plus haut -, ses parents et autres proches sont mécontents, je le nomme tout de suite après Ministre à la Présidence et le malaise est jugulé. Au même moment, je fais revenir un autre que j’avais dégommé auparavant du gouvernement, pour faire comprendre aux partisans de Bachir que c’est possible que votre poulain revienne, mais à condition que je reste toujours au pouvoir et que je sois maître du jeu, c’est-à-dire la seule constante. Autrement, je mets les militants, les futurs militants et les possibles transhumants en compétition politique autour du gâteau (des prébendes). Deuxième acte.

Je fais revenir Bachir, je promeus un de ses poulains, je nomme d’autres dans l’attelage gouvernemental et j’élargis en même temps mes potentiels électeurs. Au même moment, au niveau des étages inférieurs, j’agis de la même manière en nommant et en dégommant des Ministres, en nommant aux emplois civils et militaires, en distribuant de l’argent de gauche à droite, comme il l’a fait avec l’association des Imans qui était allé le voir, etc. Troisième acte.

Pendant ce temps, je crée des situations de tension politique, pour détourner les sénégalais et les leaders d’opinion de l’essentiel. En d’autres termes, je génère une diversion qui polarise l’attention de tout le monde, y compris des médias. C’est le cas des guéguerres entre les structures économiques. On peut citer le cas de la puce 3G+ entre Sudatel et Sonatel dans le secteur des télécommunications, des élections consulaires de la Chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture de Dakar –Cciad-, polémique sur le dégrossissement ou non des Fonctionnaires) pour se placer après en arbitre et faire semblant de résoudre le problème. C’est le moment ici de s’interroger sur la joie des syndicalistes de Sonatel après leur audience à la présidence avec le Conseiller en Ntic du président Wade, pour crier victoire, alors que leur concurrent a déjà pris une longueur d’avance sur eux à propos de la 3G+.

Et dans ce brouhaha, je positionne mon fils de tel sorte que toute doléance posée par les populations qui passe par lui soit satisfaite. C’est une façon déguisée de lui donner un poids incommensurable et une stature politique qu’il n’arrive pas à gagner par le biais des urnes car étant désavoué par les populations de sa propre commune lors des dernières élections locales. Sans compter ses ouailles qui ont tous été humiliés dans leurs communes ou communautés rurales. Exemple de doléance à satisfaire : la communauté Layène qui a reçu la visite du Directeur de cabinet du ministre d’Etat Karim Wade pour s’enquérir de leurs doléances, alors que, comble de dédoublement et de paradoxe, il y a une quinzaine de jours, cette même communauté faisait face à Bécaye Diop, ministre d’Etat ministre de l’Intérieur et ministre des Cultes pour justement soumettre ces mêmes doléances à un règlement diligent de l’Etat. Qui, il faut le rappeler, fait la même chose à l’endroit de toutes les communautés religieuses.

En définitive, Wade crée un désordre dans tous les segments de la société et de la vie nationale pour apparaître comme la « seule constante » à laquelle il faut régulièrement se référer ou recourir pour obtenir gain de cause. C’est la raison pour laquelle tous les ministres, encore moins le Premier ministre n’ont aucune influence sur les départements dont ils ont la charge. La preuve par la dernière grève des travailleurs de Dakar Dem Dikk qui ont obtenu gain de cause, non pas devant leur ministre de tutelle (aujourd’hui défénestré), mais lors d’une audience au cours de laquelle Me Wade a déclaré ne pas être au courant de leur mouvement d’humeur.

Tous ses semblants de largesse sont accompagnés par de dons (véhicules, voyages, maison, etc.) qui font que la plupart des sénégalais mus par l’appât du gain facile rêve d’être reçu un jour par le Président, ou tout simplement que leurs parents les mieux placés soient promus à des postes de responsabilité.

En somme, Wade affaisse les valeurs pour mieux maintenir son joug sur le peuple sénégalais. Et c’est sur cette base qu’il veut se faire succéder par son fils. C’est ainsi que toute la stratégie est centrée autour des prébendes qu’il fait miroiter aux uns et aux autres, en leur faisant comprendre en filigrane que « ceci ne pourra continuer que si vous m’aidez à remporter les prochaines élections ». Wade connaît parfaitement le faible du sénégalais : l’argent, une belle voiture, une maison, les voyages à l’étranger. Qui mieux que l’Etat - malheureusement - peut donner cela ? Aujourd’hui, la distribution des richesses se fait non plus sur la base du mérite, sur l’appartenance au clan Wade.

Je peux me tromper dans mon analyse, mais si on n’y prend garde, il risque fort de réussir son pari.


(Contribution parue dans Sud quotidien du 28 juin 2010)

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